La destitution du président Mohamed Morsi par l'armée égyptienne a suscité plusieurs commentaires des experts et médias américains qui ont, quasi-unanimement, approuvé cette décision mais dont le président Obama s'est dit ''profondément préoccupé'' sans aller, toutefois, jusqu'à la condamner ni même à user du terme ''coup d'Etat''. Pour le très influent Think tank ''Council on foreign relations'' (CFR), le président déchu, Mohamed Morsi, a souvent fait valoir que sa légitimité découlait de sa victoire par les urnes. Mais ce que Morsi n'a pas compris, commente le président de CFR, Richard Haass, c'est que la légitimité dans une démocratie ''transcende les urnes'' dans le sens où les élections sont nécessaires, mais à peine suffisantes. Par sa manière de gouverner, M. Morsi a ''gaspillé'' sa légitimité et même sa chance, juge cet expert qui rappelle que les millions d'Egyptiens protestaient dans les rues du fait notamment de se sentir exclus de la vie politique. Or, explique-t-il, l'élément le plus important dans une démocratie est qu'il s'agit davantage d'une question de gestion des contraintes que d'une question de pouvoir, et ce, de façon que la majorité doive respecter et protéger la minorité et que le gouvernement sache gérer avec les moyens même limités dont il dispose pour servir ses citoyens. Soulignant que ces équilibres de pouvoirs prennent le temps de se développer et de s'enraciner, M. Haass observe que la ''démocratie immature'' en Egypte était devenue vulnérable à un ''détournement'', ce que Morsi n'a pas manqué de faire et l'armée de réagir. Quant à la décision prise par l'armée égyptienne, cet expert dans les affaires du Moyen-Orient estime qu'il est inexact de la considérer comme un ''coup d'Etat'' car, a-t-il argumenté, cette intervention politique était venue en réponse à une crise et qu'elle n'en a pas été la cause. Tout aussi important, les événements des derniers jours n'étaient pas une prise de pouvoir par l'armée égyptienne puisqu'elle a confié le pouvoir intérimaire au président de la Haute cour constitutionnelle avec la mise en place d'un calendrier pour la transition politique, poursuit-il. Souhaitant que l'Egypte saura saisir, cette fois-ci, cette seconde chance qui lui est offerte, il prévient, cependant, que renverser un régime despotique, c'en est une chose, et instaurer un meilleur système à sa place, c'en est une autre et avec plus de difficulté. Le ''printemps arabe'', une profonde déception Abordant le contexte de la région, M. Haass n'en pense pas moins que ce qui est appelé ''le printemps arabe'' s'est transformé, finalement, en ''profonde déception'' avec, selon lui, son lot de violences, de sectarisme et de gouvernements en manque de capacité et de compétence. Pour sa part, Nathan Brown, expert du monde arabe au CFR, estime qu'avec le cas égyptien, les Etats-Unis ne devraient pas évaluer le degré de démocratie d'un pays en s'attachant uniquement aux mécanismes et aux exigences techniques de la démocratie à travers des élections uniquement, mais doivent aussi et surtout être plus regardants sur ''l'esprit et les tendances'' de la pratique démocratique. ''Il est beaucoup plus important qu'un pays se démocratise qu'un pays qui utilise des outils de la démocratie pour promouvoir quelque chose de très différent, autocratique, voire anti-démocratique'', soutient M. Brown. Dans son analyse, Brookings institution a estimé, pour sa part, que l'armée égyptienne ne devrait pas répéter les deux erreurs commises par le conseil militaire qui avait gouverné l'Egypte entre février 2011 et juin 2012. Expliquant tout d'abord qu'un consensus prend du temps et de la patience, ce Think tank basé à Washington juge que ce fut une erreur de se précipiter à des élections législatives et présidentielles avant d'arriver à un consensus national sur la Constitution. Deuxièmement, préconise-t-il, une bonne performance économique étant nécessaire pour une transition réussie vers la démocratie, la gestion économique doit alors être confiée à des personnes compétentes tandis que l'armée ne doit pas interférer dans leurs décisions. Un sérieux revers pour les mouvements islamistes de la région Le quotidien Washington Post a, de son côté, concentré son analyse sur le devenir politique des mouvements islamistes dans la région. A cet égard, note-t-il, l'éviction de Morsi devrait représenter un ''sérieux revers'' pour ces mouvements alors qu'ils s'étaient révélés les plus grands bénéficiaires dans les pays qui avaient connu des bouleversements en 2011. A ce propos, le quotidien américain prédit que les évènements connus ces derniers jours en Egypte sont susceptibles de ''résonner bien au-delà et avec, peut-être, plus de force en Syrie'' où les groupes armés rebelles se composent essentiellement de groupes islamistes. ''Ce qui arrive aux islamistes en Egypte va déterminer leur statut dans les autres pays de la région et c'est cela qui les inquiète, car il ils savent que s'ils perdent en Egypte, ils vont finir par perdre partout" Néanmoins, le quotidien de la capitale fédérale craint que le départ forcé du président Mohamed Morsi ne crée un précédent potentiellement inquiétant pour l'avenir des gouvernements démocratiquement élus. En effet, explique-t-il, les extrémistes islamistes, en Egypte et ailleurs, peuvent prétendre que cette destitution validerait, plus tard, leur utilisation de la violence pour atteindre leurs objectifs, tandis que des gouvernements de la région pourraient citer l'exemple de l'Egypte comme preuve que les élections qui permettent aux islamistes de conduire un Etat au chaos, constitueraient un frein aux réformes politiques. Mais pour le Washington Post, il ne fait guère de doute que les évènements en Egypte ont compromis le long effort des Frères musulmans de se présenter comme une alternative viable aux gouvernements de la région.