Le Parti justice et développement (PJD, islamiste) qui dirige au Maroc une coalition gouvernementale depuis janvier 2012, devrait engager prochainement des concertations en vue de constituer une nouvelle majorité, à la suite de la démission, la semaine passée, de ministres du Parti de l'Istiqlal (PI, conservateur), deuxième force politique au pays en termes de nombre de députés (60), indique-t-on de sources médiatiques à Rabat. Il s'agit du premier scénario pour une sortie de crise politique, provoquée par le départ de cinq ministres du PI, afin d'éviter l'organisation de nouvelles élections législatives anticipées, précise-t-on de mêmes sources. Le retrait de l'Istiqlal a été marqué par le refus d'un sixième ministre, en l'occurrence celui en charge du département de l'Education de démissionner de l'exécutif au risque d'être exclu de son parti pour "indiscipline", relève-t-on. Selon les analystes politiques, avec le retrait du PI du gouvernement, le PJD n'a d'autre choix, à la fin de la procédure constitutionnelle destinée à entériner la démission des ministres istiqlaliens que de se rapprocher de deux partis de l'opposition, le Rassemblement national des indépendants (RNI, 52 sièges) et l'Union constitutionnelle (UC, 23 sièges) pour former une autre majorité. Officiellement aucun contact n'a été entrepris avec ces deux formations politiques notamment avec le RNI de Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des Finances dans le précédent gouvernement dirigé par Abbas El-Fassi (PI) qui constitue l'option la plus plausible, pour la formation d'un nouveau gouvernement de coalition "Benkirane II", notent les observateurs. Les commentateurs estiment que les négociations entre le PJD et le RNI pourraient être complexes au cas où l'une des parties refuse de faire des concessions, soulignant que le probable futur membre du gouvernement ne manquera, certainement pas de réclamer un nombre de postes ministériels équivalents à celui de l'Istiqlal, étant donné qu'il a presque le même poids que l'Istiqlal à la chambre des représentants. Il pourrait également convoiter le poste de président de la première chambre du parlement, détenu par Karim Ghellab, membre de l'Istiqlal et réclamer de revoir la politique économique de l'exécutif. "Les slogans et les mots d'ordre n'ont jamais fait une politique ni résolu les problèmes", avait déclaré M. Mezouar dans une interview accordée à un journal marocain. Des observateurs estiment que le PJD n'a d'autre option que de s'allier au RNI pour résorber cette crise gouvernementale et éviter, ainsi, l'alternative de législatives anticipées qui risque d'accentuer les difficultés économiques et financières du Maroc. L'actuel gouvernement marocain est composé de 31 départements ministériels. L'Istiqlal qui est dirigé, depuis septembre 2012, par Hamid Chabat en remplacement de l'ancien chef du gouvernement Abbas El Fassi a formulé depuis son arrivée à la tête de ce parti, à plusieurs occasions, des griefs contre l'exécutif notamment en ce qui concerne le redressement de l'économie. Il reproche également à M. Benkirane l'absence de concertation avec son parti, voire le monopole des décisions du gouvernement, plaidant pour la redynamisation de l'action de l'exécutif par le biais d'un remaniement ministériel qui permettra de redistribuer les portefeuilles ministériels sur la base des résultats des élections législatives de 2011. Le PJD vainqueur des législatives anticipées du 25 novembre 2011 avec 107 sièges sur 395 députés de la chambre des représentants, dirige une coalition gouvernementale hétéroclite comprenant outre le PI, le Mouvement populaire (MP, libéral 32 députés) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste, 18 sièges). C'est la première fois que l'exécutif est dirigé au Maroc par un parti islamiste longtemps dans l'opposition. Avec environ 33 millions d'habitants, le Maroc est confronté à une crise économique marquée par une aggravation du déficit budgétaire (17,5 milliards de dirhams) à fin mars 2013 et à une hausse de la dette extérieure brute de 15,70% au 1er trimestre de l'année en cours. A fin 2012, le taux du chômage est passé à 9,4 % de la population active. En février dernier, l'agence d'évaluation financière Moody's, la deuxième plus importante agence de rating du monde, avait dégradé la note souveraine du Maroc passant de "stable" à "négative" en raison du déficit public record enregistré atteignant 7,1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2012, contre 6,2% une année auparavant.