La Tunisie vient d'entrer de plain-pied dans une nouvelle étape politique après l'obtention par le gouvernement indépendant de la confiance des membres de l'Assemblée constituante, l'adoption de la constitution du pays et l'élection de l'instance électorale pour conduire vers des élections générales et stabiliser les institutions démocratiques, trois ans après la "révolution du jasmin" qui a mené à la chute de l'ancien régime. Lors des séances du dialogue tenues en décembre dernier, les antagonistes politiques tunisiens ont enfin convenu de désigner le ministre de l'Industrie, Mehdi Jomaâ, pour la formation d'un gouvernement d'indépendants qui se chargera de mener à terme ce qui reste de la période de transition et d'organiser des échéances électorales dès retrait du parti islamiste Ennahdha. Une démarche visant à mettre fin à la crise politique qui a secoué le pays après l'assassinat en juillet dernier de Mohamed Brahmi. Après un long retard accusé dans la rédaction de la constitution en raison de controverses politiques persistantes entre le parti islamiste au pouvoir et ceux de l'opposition, les députés ont adopté dimanche dernier la nouvelle Loi fondamentale. Celle-ci sera la deuxième après celle promulguée en juin 1959 mais abandonnée suite à la "révolution du jasmin" et l'élection de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Une nouvelle constitution et un gouvernement d'entente nationale pour garantir un climat favorable aux élections L'Etat "garant de la religion et de l'impartialité des mosquées et maisons de culte à l'égard de toute exploitation partisane est tenu de diffuser les valeurs de modération et de tolérance et s'engage à interdire les appels à l'apostasie et à l'incitation à la haine et la violence". Les députés ont rejeté en bloc des propositions appelant à introduire un article selon lequel l'Islam "est la source fondamentale pour légiférer" et retenu un autre énonçant que "la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain. L'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime". D'autres chapitres ont également été introduits pour élargir les pouvoirs du chef de l'Etat dans le but de "préserver l'équilibre entre les prérogatives des deux têtes du pouvoir exécutif à savoir le chef de l'Etat et le Premier ministre. Au moment où la nouvelle constitution a été adoptée, le chef du gouvernement tunisien indépendant, Mehdi Jomaâ, a soumis la composante ministérielle au chef de l'Etat, Mohamed Moncef Marzouki. Cette dernière compte 21 ministres et 7 secrétaires d'Etat. Lors de la présentation du nouveau staff ministériel, M. Jomaâ a indiqué avoir formé son équipe sur les critères de "la compétence, l'intégrité et l'indépendance", rappelant que ce gouvernement "n'appartient à aucune partie politique" et que son objectif véritable résidait dans "l'entente nationale et le ralliement de tous les Tunisiens autour du gouvernement pour lui permettre de mener à bien sa mission". Il a précisé au sujet des prochaines élections, que celles-ci étaient une "priorité majeure", appelant à "réunir" toutes les conditions sécuritaires, politiques, économiques et sociales pour assurer la tenue de ces rendez-vous. Les élus de l'Assemblée nationale constituante ont approuvé la nouvelle Loi fondamentale à une majorité écrasante de 149 voix pour, 20 contre et 24 abstentions. Rétablir la sécurité et prendre en charge la situation économique En présentant les grandes lignes du programme de son équipe gouvernementale devant les élus de l'ANC, lors d'une séance consacrée au vote de la Constitution, Mehdi Jomaâ a affirmé que "la réussite" des prochaines élections passe impérativement par "le rétablissement de la sécurité dès lors que le pays fait face à de grands défis sécuritaires" outre la prise en charge de la situation économique. Il a souligné qu'entre autres priorités du gouvernement, figure "la tenue d'élections générales libres, régulières et transparentes", insistant sur sa détermination à faire face à la "menaces terroriste" et à mobiliser tous les "moyens" susceptibles de venir à bout des actes de violence, d'affirmer la loi et d'éliminer l'incitation à la haine et la violence à l'encontre des opposants politiques". D'autre part, Mehdi Jomaâ a mis l'accent sur l'"importance de traiter" la situation économique à travers l'impulsion de l'économie, l'amélioration des infrastructures, le développement des régions de l'intérieur du pays, la garantie de la couverture sanitaire et la relance des entreprises et des finances publiques. Il s'est engagé en outre, à "réviser" les dernières désignations du gouvernement islamiste Ennahdha au sein de l'Etat, faisant remarquer que celles-ci doivent se faire sur la base de "a compétence et de la neutralité" dans le seul but de "garantir une concurrence intègre lors des prochaines échéances électorales". Par ailleurs, la classe politique tunisienne est unanime à dire que le gouvernement de Mehdi Jomaâ devra relever un défi à caractère économique et social et contrecarrer la menace sécuritaire à savoir les attaques de l'organisation djihadiste "Ansar Echariaâ". Les observateurs estiment quant à eux, que de "lourdes responsabilités" attendaient le nouvel exécutif qui aura notamment à organiser les rendez-vous électoraux attendus dans un climat de méfiance entre les forces de l'opposition laique et le mouvement Ennhadha née au lendemain de la crise politique en Tunisie.