La chanteuse jordanienne Caroline Madi et la cantatrice algérienne Nassima Chabane ont animé dans la soirée de lundi à Alger un récital aux atmosphères oniriques, dans un mélange prolifique des genres marqué par de belles interprétations dans des modes et des rythmes orientaux et andalous. Deux répertoires représentants l'Orient et le Maghreb étaient au programme du quatrième soir du cycle musical "Le fa au féminin", se succédant sur la scène de la salle El Mouggar une heure et demie durant, devant un public recueilli, peu nombreux. Caroline Madi, une belle voix d'une large tessiture, jouant de son luth aux sonorités denses, a enchanté l'assistance avec une interprétation de haute facture au lyrisme emballant et à la technique bien appréciée par le public. Soutenue par les cinq musiciens composant son orchestre (deux violonistes, un accordéoniste et deux percussionnistes), la chanteuse jordanienne a promené les présents à travers les modes Bayati, Hijaz, Rast et Sika dans les rythmes composés des Tabriz, Samaï, Maqsoum, Wahdi, Fox et Cheftateli. Parmi les pièces présentées par Caroline Madi, "Ya Men Laka Sahibou El Amrou", "Yama Qouloub Hayma Hawaliq" (Une reprise réarrangée de la chanson "Je suis malade" de Serge Lama avec le refrain intégralement repris dans sa version d'origine), "Ten'Dem" et "Lila Hilwa Wa Djamila". Les chansons algériennes "Chehlet Laâyani" et "El Djazaïr", bien interprétées par Caroline Madi dans le respect des intonations, ont notamment fait l'unanimité dans la salle avec de belles reprises en choeur. Deux albums "Aâchiktek" avec huit chansons et "Chahrazed" qui en compte dix, sont déjà à l'actif de l'artiste jordanienne qui vise à travers son art "la promotion de l'image de la femme arabe, dans son intelligence et son émancipation", explique-t-elle. Nassima Chabane se présentant devant le public algérois après un interlude poétique bien apprécié de Yacine Ouabed, auteur très sollicité par les artistes amateurs de chansons à textes, a présenté un programme en deux parties. Dans les modes H'sine et Zidène, la cantatrice algérienne a choisi d'embarquer son public dans une randonnée classique avec un programme andalou et algérois, au grand plaisir de la centaine de spectateurs venue apprécier les sonorités et les rythmes du patrimoine culturel algérien. "Inqilab H'Sine ‘Li Habiboun'", Kahl El Aïn Am'deble' Ech'far", "El Khilaâ Taâjebni", "Aâchiyatoun" et "Mama Ya Mammani" figurent parmi les chansons savamment interprétées par Nassima Chabane avec une voix cristalline à plusieurs modulations. Dans la noblesse de la musique andalouse et algéroise, marquée par les sonorités denses et relevées des instruments à cordes rassemblant notamment la mandole joué par la chanteuse algérienne, le nay, le luth, le qanun et la percussion, l'élan académique - éternelle exigence de la cantatrice- fut ainsi consacré. Confiant à l'APS la préparation d'un "Hommage à l'Emir Abdelkader, à travers sa poésie", Nassima Chabane souhaite ainsi "mettre en valeur un volet peu connu de la personnalité du fondateur de la Nation algérienne", explique-t-elle. L'accompagnement très remarqué du célèbre percussionniste algérien Rabah Khalfa à la derbouka soutenant l'interprétation de qualité de la chanteuse, a incité au déhanchement et à la délectation. Rabah Khalfa, le patrimoine dans la peau Danseur en 1969, batteur dans les années 1970, Rabah Khalfa, le rythme dans le sang, épris par la richesse des cadences existant dans le patrimoine pluriculturel algérien, prend le chemin de la percussion dans sa forme la plus traditionnelle. Il participe en 1969 avec le grand orchestre national au premier Festival Panafricain et enregistre en 1970 pour la première fois avec le compositeur et chef d'orchestre d'origine syrienne Taysir Akla "Yadou El Ilah", fameuse chanson patriotique interprétée par la regrettée Saliha Es'Saghira. Instrumentiste de talent, il figurera dans tous les orchestres de la radio et de la télévision sous la direction de grands maestros à l'instar de Maâti Bachir, Abdelwahab Salim et Boudjemia Merzak en 1975. Autodidacte passionné, Rabah Khalfa s'est inspiré de son maître "Alilou" une des chevilles ouvrières d'El Hadj M'Hamed El Anka pour perfectionner ses connaissances et sa technique par la suite en France où il s'établira en 1978. La carrière internationale de Rabah Khalfa est fulgurante car sollicité par plusieurs artistes de grande renommée à l'instar des "Gipsy King" avec lesquels il enregistre un album en 1980 et la chanteuse de musique pop "Ishtar" avec son tube "Alabina", qu'il côtoie pendant quatre ans. Rabah Khalfa, s'est produit dans plusieurs pays du monde avec des artistes algériens, Idir, Cheb Khaled, le groupe Djurdjura, Cheb Mami, et bien d'autres encore, ont eu à collaborer avec lui. Le cycle musical "Le fa au féminin" se poursuivra à la salle El Mouggar jusqu'au 18 juillet avec encore à l'affiche une dizaine de chanteuses et musiciennes algériennes et arabes dont la palestinienne Sanaa Moussa, et l'Algérienne Aslah Souad attendues dans la soirée de mardi.