Nassima Chabane, qui est établie en France, est fidèle à sa tradition : revenir au pays pendant le Ramadhan. «Je ne peux pas me passer de la chorba mketfa», nous a-t-elle confié avec son accent blidéen, lundi soir, à la salle El Mougar à Alger. C'est toujours un plaisir pour moi de retrouver le public en Algérie. C'est comme un rendez-vousd'amoureux !» a-t-elle ajouté. La chanteuse est revenue avec un plat varié de musique andalouse, de hawzi et de aroubi. En tenue traditionnelle, avec l'incontournable seroual chelqa de couleur violet, Nassima Chabane est montée sur scène à la faveur d'une série de soirées organisées par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI) et dédiées aux femmes, «Le Fa au féminin». Elle a entamé son tour de chant avec des extraits de la nouba hcine comme Li Habibou, Zarni men hawit et Saraqa el ghosnou. Elle a ensuite enchaîné avec du hawzi, à commencer par l'immortel Qalb bati Sali, suivi de Kahl al ayn mdebl echfar. La troisième partie du concert a été plus légère avec une reprise rythmée de Ya achaq ezzine. Rien que pour cette chanson, il existe trois versions : celle d'Ahmed Wahbi en wahrani, celle de Amar Zahi en châabi, et Fadhéla Dziria en hawzi. Nassima Chabane a terminé son récital en reprenant la célèbre chanson de Slimane Azem Aya frukh (qu'elle avait déjà interprétée avec Idir). Nassima Chabane a rendu un hommage sur scène à l'un de ses maîtres, Dahmane Benachour. «A sept ans, je suis tombée dans la marmite grâce à lui», a-t-elle dit. La chanteuse, qui est connue par l'interprétation des azdjal et des mouachahat, a toujours dit que ses maîtres en musique ont été Saddek Bedjaoui, Hadj Mahfoud, Hadj Hamidou Djaïdir et Hadj Medjbar. Après Des racines et des chants, dédié à la musique chaâbie, et Voie soufie, consacrée au samaa, Nassima Chabane prépare un nouvel album. «Un album consacré à l'Emir Abdelkader. Je reprends ses poèmes avec mes propres compositions. Je m'inspire bien sûr de la musique andalouse. Par le passé, j'ai interprété déjà des poèmes soufis comme ceux d'Ibn Arabi», a-t-elle précisé. «A l'époque, il n'y avait que peu de chanteuses dans le genre andalou en Algérie. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le patrimoine andalou est partagé au niveau national. Mais, il faut améliorer la qualité de la manière d'interpréter les textes, insister sur la formation en matière de diction, chant, etc. Le texte chanté doit être compris par le public. C'est donc de la responsabilité de tous, celle des associations andalouses comme celle des artistes eux-mêmes. La formation doit être faite sur des bases scientifiques», a souhaité Nassima Chabane. En première partie, la Jordanienne Caroline Madi, accompagnée d'un orchestre réduit, a interprété des chants du tarab el arabi aux sonorités contemporaines colorées, parfois de hijazi et de bayati. Au début, elle a chanté un morceau dans le genre inchad, Ya men laka al amrou d'après un texte de Tahar Selmane et une composition de Malek Madi (père de la chanteuse). À la recherche de perles Elle a repris à sa manière le célèbre Je suis malade du Français Serge Lama, Yama qouloub hayma hawaliq. «Je suis malade, complètement malade. Comme quand ma mère sortait le soir. Et qu'elle me laissait seul avec mon désespoir», chantait Lama, le cœur triste. Caroline Madi a, elle, ajouté une touche bien orientale pour suggérer que l'amour peut provoquer l'allégresse, et, bien entendu, la jalousie. Caroline Madi, qui a salué la bonne prestation de l'équipe nationale au Mondial du Brésil, a interprété la chanson algérienne Chihelet aâyani de Abdelhamid Garami (ravivée par Abdelkader Guessoum). Caroline Madi a également rappelé la bonne tradition arabe du mouwachah léger et aérien comme Ya nahifa al qawam et Layla hilwa oua djamila. Elle a terminé son concert avec une nouvelle chanson El Djazaïr, d'après un poème de Azzedine Mihoubi. «La chanson Chihelt Lâayani m'a fait bien connaître l'Algérie. Je l'ai reprise dans mon album Chahrazad tarhalou ila al gharb. Je prépare un album basé sur les chants soufis, en collaboration avec plusieurs poètes arabes dont Azzedine Mihoubi d'Algérie, Mohamed Djamil Khadr de Jordanie et Abdallah Abou Al Quoroun du Soudan. Les méditations musicales m'ont amenée à réfléchir à ce projet sur le chant soufi. Je ne peux pas dire que je comprends tout, mais je tente d'apprendre», nous a déclaré Caroline Madi. Lors d'une précédente visite en Algérie, l'artiste jordanienne a acquis plusieurs albums de chanteurs algériens. «Cela a enrichi ma culture musicale en tant qu'Orientale. J'avoue que nous n'avons pas assez découvert ce qui se fait en matière musicale au Maghreb. J'adore ce que font Hamidou ou Naïma El Djazaïria. Et j'aime la chanson Ya el maknine ezzine (de Mohamed Badji). Je continue à chercher les perles de ce genre. Et laissez-moi vous dire que l'Algérie est d'une grande richesse musicale», a soutenu Caroline Madi, joueuse de mandole et de piano aussi.