La migration de sportifs algériens vers la France a été au centre des débats d'un colloque international intitulé "Entre Algérie et France, migrations football et médias", organisé mercredi au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC), basé à Oran. Le colloque se propose d'explorer, dans une perspective historique et pluridisciplinaire, les attitudes inégalitaires à l'égard des Arabes dans les médias français depuis la fin de la guerre d'Algérie, dans un contexte de développement du flux migratoire en provenance du Maghreb, ont indiqué ses organisateurs. Dans une allocution d'ouverture, le directeur du CRASC, Djillali Hadj Smaha, a indiqué que la migration de jeunes sportifs algériens vers la France est "un phénomène social et non pas une simple mobilité de personnes, avec tout le poids de l'histoire pesant sur les relations entre les deux pays". Pour l'universitaire de Nice et coordonnateur de l'Agence nationale de la recherche et "Ecrans et Inégalités" ANR-ECRIN (France), Yvan Gastaut, le sport est un vecteur de circulation, de migration, surtout le football qui est populaire. "Il s'agit, dans cette rencontre, d'une réflexion sur la représentation dans les médias des figures de minorités en France : Migrants du sud vers la France, au niveau de trois supports, à savoir la télévision, le cinéma et le web, avec la participation d'historiens, de politologues et de sportifs, entre autres." L'universitaire d'Aix-Marseille, Stéphane Mouriane, a souligné l'ancienneté des rapports entre l'Algérie et la France dans "le prolongement d'une réflexion sur les rapports entre sport et migrations. Une inflexion des migrations vers une approche plus culturelle". Pour ce chercheur, l'équipe de France de football est un "raccourci de l'histoire de l'immigration en France", rappelant que 165 européens, 61 d'origine maghrébine dont 16 Algériens ont porté le maillot de cette équipe. Et de citer des enfants issue de l'immigration, à l'image de Benzema et Nasri actuellement et Zidane dans un passé récent. "L'apport des immigrés pour le football en France est reconnu", a-t-il souligné proposant des lectures croisées. Abordant le traitement médiatique des équipes nationales algérienne et française, les intervenants ont indiqué qu'au-delà de la figure des champions, ce traitement médiatique permet d'interroger à la fois des régimes circulatoires et identitaires. Certaines rencontres sportives entre les deux pays ayant donné lieu, dans les médias comme dans l'opinion publique, à des tensions ou des débats autour de la question migratoire, citant en exemple la finale de football des jeux méditerranéens de 1975 (Algérie 3 û France 2). A ce propos, ils ont cité, sous différents aspects, les difficultés de la société française à faire face à ce flux migratoire. "La figure de l'Arabe s'impose comme un stigmate et comme l'expression d'une discrimination dans l'opinion publique française pour désigner les migrants et leurs descendants", ont-ils relevé. Dans ces conditions, ont-ils soutenu, il s'agit de proposer une réflexion diachronique et de croiser les approches scientifiques au sujet des représentations médiatiques et de leurs effets sociaux. "Sur les écrans apparaissent notamment des médiateurs culturels issus de l'immigration qui interviennent dans un processus d'identification et de valorisation, non seulement auprès des populations d'origine maghrébine en France, mais plus largement auprès de l'ensemble de la société française tout en s'inscrivant dans une pensée stéréotypée", ont-ils relevé. Des figures prestigieuses du football national ont été invités au colloque parmi lesquels l'ancien sélectionneur national Khalef Mahieddine, et l'ancien journaliste et commentateur de la télévision nationale Benyoucef Ouaâdia, qui ont parlé de leurs expériences respectives dans le domaine du football, s'attardant sur la prestigieuse équipe nationale de 1982 et sa participation à la Coupe du monde en Espagne. Le colloque est organisé en collaboration avec le réseau français "Pangée network" pour la promotion du dialogue interculturel et le laboratoire "Telemme", dans le cadre cadre du programme de recherche financé par l'Agence française ANR-ECRIN. "Le Mondial : un tremplin pour réussir une carrière de footballeur à l'étranger" (Khalef) L'ancien sélectionneur de l'équipe algérienne et ancien coach de la JSK, Mahieddine Khalef, a estimé mercredi à Oran, que la participation à une coupe du monde peut servir de tremplin à un joueur pour réussir une carrière dans un grand club, lequel tire profit à son tour, du talent de sa recrue. "Les joueurs font des choix. Ils vont jouer en France, dans d'autres pays européens ou dans les pays du Golfe. Bons ou mauvais, ce sont des choix qui reflètent une certaine mobilité", a souligné Mahieddine Khalef, dans son intervention lors du colloque international "Entre Algérie et France, migrations, football et médias" organisé au CRASC d'Oran. Parlant du football et de la migration des footballeurs algériens avant et après la coupe du monde de 1982, l'ex-sélectionneur du onze national, a rappelé qu'avant ces joueurs se rendaient à l'étranger pour gagner leur vie. "Aujourd'hui, s'ils le font c'est pour gérer une carrière, faire fortune. Ils jouent dans de grands clubs et passent d'une équipe à une autre. C'est le professionnalisme qui veut cette mobilité", a-t-il indiqué. Mahieddine Khalef a, par ailleurs, considéré que pour les équipes nationales, "la double nationalité a beaucoup aidé les joueurs à faire leurs choix", ajoutant que dans le sens contraire, les joueurs algériens évoluant à l'étranger et qui choisissent l'équipe algérienne de football n'ont pas été forcés par la Fédération. "C'est eux qui font le choix, mais il y a l'entourage de ces joueurs qui les aide à prendre la décision. Et toutes les conditions sont réunies pour eux en Algérie en matière de prise en charge et autres", a-t-il ajouté. Répondant à la question de l'un des participants au colloque sur le professionnalisme dans le football algérien, Mahieddine Khalef s'est montré catégorique : "Je refuse de parler de professionnalisme en Algérie. On devrait arrêter le championnat professionnel pendant quatre ans pour, justement, préparer ce professionnalisme", a-t-il déclaré car, a-t-il ajouté, "on ne dispose du minimum pour cela. Il n'y a pas de terrains d'entraînement. On joue n'importe comment, il n'y a pas de préparation adéquate. On ne peut pas faire de professionnalisme à l'européenne sans moyens". L'ex-sélectionneur des Vert et blanc a mis en exergue la nécessité de continuer à gérer le championnat amateur, en attendant d'améliorer les choses et de s'occuper des jeunes et de leur formation. "Le pays pullule de jeunes talents", a-t-il souligné. Pour sa part, le journaliste sportif Benyoucef Ouaâdia rejoint Mahieddine Khalef dans son analyse de la situation. "Pour aller vers le professionnalisme, il faut mettre en place toutes les conditions nécessaires à sa réussite", a-t-il indiqué à la presse.