La démission du gouvernement yémenite suivie de celle du président, rejetée par le Parlement qui a convoqué une réunion extraordinaire de ses membres a plongé le pays dans un chaos politique alors que la milice des Houthis était omniprésente vendredi dans la capitale Sanaa. Le gouvernement yéménite, nommé il y a moins de trois mois, a présenté sa démission au président Abd Rabbo Mansour Hadi, une décision "irrévocable" selon le porte-parole de l'exécutif. Dans la foulée, le président Hadi a démissionné, affirmant que le Yémen était arrivé dans "une impasse totale", mais sa décision a été rejetée par le Parlement qui a convoqué une réunion extraordinaire de ses membres vendredi matin afin d'examiner la crise dans le pays. Dans sa lettre de démission, le Premier ministre Khaled Bahah a évoqué son intention de se démarquer du président Hadi, dont il semble contester les concessions faites aux Houthis. Les miliciens d'Ansaruallah, aussi appelés Houthis, qui ont pris en septembre le contrôle d'une grande partie de Sanaa, réclament plus de poids dans les institutions de l'Etat et contestent le projet de Constitution prévoyant de faire du Yémen un Etat fédéral avec six régions. Dans ce contexte, quatre provinces du sud du pays, région autrefois indépendante, ont décidé de "refuser les ordres" envoyés par la capitale aux unités militaires locales, et de n'obéir qu'à des hommes fidèles à M. Hadi. La capitale contrôlée par les Houthis Les Houthis sont toujours omniprésents autour du palais présidentiel qu'ils ont pris mardi (à la suite de violents combats ayant fait 35 mort et de 94 blessés), en dépit d'un accord par lequel ils s'engageaient à se retirer de ce secteur et de la résidence du Premier ministre, et surtout à libérer le chef de cabinet du président, Ahmed Awad ben Moubarak, enlevé samedi. En contrepartie, le président Hadi s'était engagé mercredi à amender le projet de Constitution. En outre, l'accord prévoyait que les Houthis ainsi que le mouvement sudiste et les autres factions politiques "privées de représentation équitable dans les institutions de l'Etat, auront le droit d'être nommés dans ces institutions". En dépit de ces concessions "de taille", aucun retrait des Houthis n'a été signalé et le chef du cabinet du président n'a pas été libéré. L'émissaire de l'ONU Jamal Benomar, accouru à Sanaa jeudi après la recrudescence des violences, a appelé les représentants des forces politiques à "résoudre toute divergence (...) par le dialogue". Le président Hadi avait été élu en 2012 après le départ d'Ali Abdallah Saleh, chassé du pouvoir par la rue. Le gouvernement avait été nommé en vertu d'un accord de paix ayant mis fin en septembre à des combats après l'entrée des miliciens houthis ou "zaïdites" dans la capitale. Il avait été rejeté dès sa prestation de serment en novembre par l'ex-président Saleh et ses alliés de la milice houthie. Dans ce climat de crise générale, un autre foyer de tension pourrait provoquer une nouvelle flambée de violences. Jeudi, trois hommes armés appartenant à des tribus sunnites de la province de Marib, à l'est de Sanaa, ont été tués dans une embuscade tendue par des Houthis, qui ont perdu six hommes, selon un nouveau bilan fourni de source tribale. Le chef de la milice houthie Abdel Malek al-Houthi, avait menacé le 4 janvier de prendre cette province riche en pétrole et en gaz naturel, que ses miliciens convoitent depuis leur entrée dans la capitale en septembre. Mais les tribus sunnites de cette région n'ont cessé depuis d'affirmer qu'elles s'y opposeraient par la force, et d'autres tribus du reste du Yémen ont envoyé des renforts à Marib. Inquiétudes de la communauté internationale La communauté internationale s'est montrée très inquiète de l'aggravation de la situation au Yémen, en crise depuis 2011 suite à la destitution de l'ancien président Ali Abdallah Saleh. Mardi, le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné les attaques des miliciens d'Ansaruallah contre le palais et la résidence du président Hadi, qu'il considère comme "l'autorité légitime" du Yémen. La Ligue arabe a, quant à elle, annoncé avoir reçu une demande de tenue d'une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères des pays membres pour discuter de la dégradation de situation politique et sécuritaire au Yémen. De leur coté, les Etats-Unis ont indiqué qu'ils observaient la situation et qu'ils soutenaient une transition politique "pacifique", n'envisageant pas de modifier leur dispositif sur place. Mais, dans la soirée, un responsable du département d'Etat a annoncé une nouvelle réduction de son personnel d'ambassade du fait "du changement de la situation sécuritaire".