Le quartier de Saint-Denis, aux portes de Paris, a été mercredi le théâtre d'une opération antiterroriste d'ampleur qui a fait, selon la police, deux morts dont une femme qui s'est fait exploser, et six policiers blessés, au moment où le Conseil des ministres se réunissait pour donner plus de force au texte de loi sur l'état d'urgence, vieux de 60 ans. C'était une scène de guerre à Saint-Denis : des tirs nourris, un quartier bouclé, survolé par un hélicoptère, l'assaut de la police a été donné très tôt le matin (4h20) avec pour cible le Belge Abdelhamid Abaaoud, considéré comme organisateur présumé des attentats de vendredi dernier qui ont fait 129 morts et plus de 300 blessés. Depuis vendredi, les enquêteurs travaillent d'arrache-pied et la traque se poursuit, une véritable course contre la montre. Fouilles, stations de métro fermées, arrêts de certaines lignes de métro et même les grands magasins, notamment situés dans l'avenue des Champs-Elysées, ont renforcé leur dispositif de sécurité où pratiquement tous les clients sont fouillés. En l'espace de quatre jours, la capitale des lumières et de la joie a changé de visage pour céder la place à la crainte, d'ailleurs très visible dans les visages des Parisiens, et au chant des gyrophares de police qui ne connaissent pas de répit. Renforcement de l'état d'urgence et prolongation de sa durée Le Conseil des ministres, réuni mercredi sous la présidence de François Hollande, a examiné le projet d'amendement du texte sur l'état d'urgence élaboré durant la guerre de libération algérienne. Le texte sera examiné jeudi par l'Assemblée française et vendredi par le Sénat. Il prévoit notamment la prolongation de l'état d'urgence de 12 jours à 3 mois et ouvre la possibilité de dissoudre les associations ou groupements de fait ‘‘qui participent, facilitent ou incitent à la commission d'actes portant atteinte grave à l'ordre public et qui comportent en leur sein des personnes assignées à résidence'‘. A la faveur de l'état d'urgence, décrété juste après les attentats de vendredi, les forces de l'ordre françaises ont effectué, dans la seule nuit de mardi à mercredi, 118 nouvelles perquisitions et 29 interpellations conduisant à 25 gardes à vue. Après trois nuits, sur l'ensemble du territoire, 414 perquisitions ont été effectuées, ainsi que 64 interpellations conduisant à 60 gardes à vue. Même l'aéroport de Roissy n'a pas été épargné. Il a été également le théâtre de perquisitions menées sur la plateforme aéroportuaire, dans la branche cargo d'Air France et au sein de l'entreprise Fedex. Selon la préfecture déléguée à la Sécurité et la Sûreté des aéroports de Paris-Charles de Gaulle et du Bourget, ces deux perquisitions n'avaient ‘‘pas de lien direct avec les attentats'‘ mais relevaient ‘‘de plusieurs objectifs, notamment la recherche d'éléments en lien avec des phénomènes de radicalisation'‘. ‘‘A l'issue des perquisitions, il n'y a eu ni découverte d'élément notable, ni interpellation'‘, a précisé la préfecture déléguée. Plus de 400 perquisitions et 60 gardes à vue Par ailleurs, un lieu de culte musulman a été fermé et trois personnes ont été assignées à résidence dans les Alpes-Maritimes dans le cadre de l'état d'urgence. L'arrêté de fermeture concerne une salle confidentielle de prière de Beausoleil (est du département), où la présence de personnes radicalisées a été signalée, annoncé le préfet de police des Alpes-Maritimes. Outre les assignations à résidence - deux à Nice et une au Cannet -, les forces de l'ordre ont procédé mercredi matin à cinq perquisitions administratives à domicile. Dans les Bouches-du-Rhône (sud de la France), environ 400 individus, une dizaine de lieux de culte et d'associations sportives ou culturelles sont suivis pour ‘‘radicalisation'‘, a annoncé le préfet de police, assurant qu'il n'y a ‘‘pas de ramification marseillaise'‘ à l'enquête en cours sur les attentats de Paris. Crainte de regain de sentiment islamophobe Du côté de la communauté musulmane, qui redoute un regain de sentiment islamophobe, le Conseil français du culte musulman (CFCM) et plusieurs organisations musulmanes ont appelé mercredi toutes les mosquées de France à consacrer le prêche de vendredi aux évènements ‘‘tragiques'‘ qui ont ‘‘profondément'‘ touché les Français. Le CFCM a annoncé, dans un communiqué, qu'il allait diffuser, auprès des quelque 2.500 mosquées de France, un ‘‘texte solennel'‘ condamnant ‘‘sans ambiguïté'‘ toute ‘‘forme de violence ou de terrorisme'‘, qui sera lu dans le prêche de vendredi prochain. Pour sa part, la Grande Mosquée de Paris a appelé ‘‘tous les citoyens de confession musulmane et leurs amis'‘ à exprimer vendredi à 14H00 ‘‘leur profond attachement à Paris, à sa diversité et aux valeurs de la République'‘. A Marseille, rappelle-t-on, un collectif de onze mosquées de Marseille avait appelé dimanche les Français à ne pas faire de ‘‘l'amalgame'‘ et ne pas se laisser tenter par des ‘‘représailles'‘, suite aux attentats terroristes de vendredi soir à Paris. ‘‘Notre collectif appelle l'ensemble des Français à ne pas se laisser tenter par le cycle infernal des amalgames et des représailles, qui serait la meilleure façon de cautionner les actions criminelles des assassins parisiens'‘, avaient affirmé les responsables de ces mosquées dans un communiqué. Malgré ces appels, une musulmane qui portait le voile a été agressée mercredi à Marseille par un jeune homme lui reprochant, selon les déclarations de la victime, d'être une terroriste.