Le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats Arabes, Abdelkader Messahel, a déploré samedi à Rome la "faiblesse" des flux d'investissements directs étrangers (IDE) des pays de l'Union européenne (UE) à destination de ceux de la rive sud. "Les flux des IDE des pays de l'UE vers les pays de la rive sud restent, à cet égard, très faibles si ce n'est marginaux en dépit des efforts consentis par ces derniers", a indiqué M. Messahel dans une allocution prononcée à la Conférence sur les Dialogues méditerranées, dont les travaux se déroulent à Rome du 10 au 12 décembre. Parmi les efforts consentis par les pays de la rive sud, M. Messahel a cité ceux relatifs à "la mise en œuvre des réformes économiques et institutionnelles, l'amélioration de tout l'environnement économique, l'investissement, très conséquents pour certains, comme le fait mon pays, dans les infrastructures de base, tout cela en vue d'une meilleure attractivité des investissements". Il a, toutefois, relevé "la persistance du grand écart économique et même l'accroissement des inégalités existantes entre les deux rives de la Méditerranée". M. Messahel a soutenu que les économies du sud de la Méditerranée ne "peuvent se contenter d'une relation économique dominée par les seuls échanges commerciaux". Il a, dans ce sens, affirmé que "l'investissement dans la sphère de la production est la condition sine qua none, à même de répondre aujourd'hui efficacement aux attentes de nos populations, de garantir la valorisation locale de nos ressources naturelles, de dégager les plus values indispensables à l'accumulation et d'offrir les opportunités d'emploi, dont a tant besoin une main d'œuvre jeune et de plus en plus hautement formée, qui souffre d'un chômage parfois porteur de menaces sur la stabilité sociale". L'Algérie "particulièrement sensible" à la question migratoire M. Messahel a, par ailleurs, indiqué que "l'aggravation des flux migratoires, dont nous sommes témoins ces derniers temps, et les drames qu'ils engendrent en Méditerranée sont une conséquence directe des conflits armés en Libye, en Syrie, en Irak et dans le Sahel, du fait, a-t-il expliqué, de l'activisme terroriste dans cette partie du continent de Boko Haram, des Shabab et des autres groupes terroristes". Le ministre a affirmé que "l'insécurité créée par ces conflits, combinée à des taux de chômage élevés dans certains pays de la rive sud, la pauvreté endémique qui persiste dans certaines régions notamment de l'Afrique et au Sahel, ainsi que les changements climatiques, mettent quotidiennement des milliers de personnes sur le chemin de l'exil et les poussent vers la voie de la migration clandestine et les graves risques qu'elle comporte pour leur sécurité et leur vie". M. Messahel a poursuivi que "le récent Sommet de Malte sur la migration entre l'Afrique et l'Europe a permis de mesurer la gravité de ce phénomène et l'urgence de le prendre en charge dans un esprit de respect pour les droits et la dignité des personnes concernées et de promouvoir un véritable partenariat traitant les véritables causes de ces flux et prenant en considération les intérêts de tous les pays touchés". Le ministre a affirmé que l'Algérie "est particulièrement sensible à cette question migratoire", ajoutant qu'elle déploie "d'importants efforts normatifs, logistiques et militaires pour sécuriser ses propres frontières et lutter efficacement contre la migration clandestine". L'Algérie reste cependant "convaincue que la question migratoire ne pourrait être prise en charge convenablement qu'à travers la résorption des crises et conflits armés". Pour l'Algérie, le règlement de la question de la migration clandestine exige également "une lutte implacable contre le terrorisme et la grande criminalité transnationale, la réduction de la pauvreté, la promotion d'un développement créateur d'emploi et de richesse dans les pays du sud, la facilitation non sélective de la circulation transfrontalière des personnes, ainsi que le non recours à des politiques migratoires répressives et pas trop restrictives". M. Messahel a indiqué qu'"il y a le déficit de dialogue de coopération autour de la stabilité et de la sécurité en Méditerranée", précisant qu'à cet égard, "il faut souligner que ce ne sont pas les initiatives qui ont fait défaut, mais certainement la volonté politique souvent freinée par les égoïsmes nationaux ou régionaux". "A ce titre, nous sommes attentifs au regain d'intérêt et aux approches nouvelles que nos voisins du nord et leurs institutions régionales entendent opérer par rapport à la région méditerranéenne et à ses préoccupations notamment sécuritaires", a-t-il souligné. Le ministre a dit également dans son allocution: "C'est notre conviction que la sécurité dans notre espace commun est indivisible et ne peut pas être viable et pérenne que dans la mesure où elle repose sur une juste et équitable prise en charge participative des préoccupations sécuritaires bien comprises de nos pays respectifs". L'Algérie pour une résolution pacifique des conflits Selon lui, "il n'y a pas d'alternatives crédibles à la voie pacifique et au dialogue pour le règlement des crises et des conflits qui surgissent dans notre région", ajoutant que "la voie pacifique reste incontournable pour le règlement des conflits et des différends dans le strict respect du Droit international et de la Charte de l'Organisation des Nations unies". La Méditerranée a été, a-t-il rappelé, "le premier melting-pot migratoire de l'humanité", jugeant qu'"il est illusoire de penser qu'elle ne le sera pas davantage dans un monde qui se globalise chaque jour un peu plus". Le ministre a également évoqué "la montée dans certaines sociétés occidentales de l'islamophobie et de la xénophobie", déplorant que "les communautés de migrants, en particulier, les communautés musulmanes, sont de plus en plus victimes d'actes de xénophobie et d'islamophobie attentatoires à leur dignité, à leurs droits légaux, ainsi qu'à leur sécurité physique". "Ce sont là des développements qui nous préoccupent et interpellent directement les pays d'accueil pour œuvrer davantage à la protection de ces communautés et lutter institutionnellement contre ces nouveaux visages de l'extrémisme violent", a-t-il dit. Ces phénomènes s'inscrivent, selon M. Messahel, "à contre-courant de ce que la Méditerranée a toujours été pour ses peuples, à savoir un carrefour de rencontres, de dialogue des cultures et des civilisations, ainsi qu'un grand espace d'interaction entre ses peuples".