Le professeur en économie et ancien ministre des Finances Abdelatif Benachenhou a plaidé mardi à Alger pour un développement territorial plus équitable de façon à permettre aux régions pauvres du pays de rattraper le retard de croissance alors que celles riches doivent s'autofinancer à partir de leurs ressources ou emprunter du marché. "Depuis 2005, en contexte d'une dépense publique croissante qui a profité à toutes les régions à un coût important, les inégalités territoriales se sont accrues avec des wilayas qui perdent et d'autres qui gagnent", a-t-il estimé lors d'une conférence-débat organisé par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care) sous le thème "innovations pour le développement des territoires". D'où la nécessité selon lui, de revoir la politique nationale de développement territoriale et ce, à travers des innovations financières, sectorielles et institutionnelles. Sur le plan des mesures financières, le conférencier recommande de "reconstruire" la fiscalité locale de façon à savoir "qui paie quoi et combien" ce qui permettra d'identifier les villes riches et celles pauvres. Ainsi, les subventions de l'Etat doivent être limitées aux wilayas pauvres, selon M. Benachenhou pour qui, celles ayant des ressources locales (fiscalité, douane, domaine, ndlr) peuvent recourir au marché financier ou bancaire en cas de besoin. "Il faut que le budget de l'Etat aille mieux aux territoires qui en ont besoin, notamment en matière d'équipement. Les territoires qui ont assez de ressources peuvent aller à l'emprunt pour financer des équipements déterminés", a-t-il expliqué indiquant que des spécialistes algériens pouvaient aider ces villes à appliquer ce mode de financement. Une récente étude du ministère de l'Intérieur et des collectivités locales a révélé que 62% des 1.541 communes du pays sont classées "pauvres", soit 958 communes, alors que 31% (480) sont classées "moyennes" contre seulement 7% (103) qui sont "riches". Entre 60 à 65% des ressources des communes sont composées de recettes fiscales locales, 20 à 30% de dotations budgétaires de l'Etat et 10% de ressources patrimoniales, selon la même étude rendue publique en décembre dernier, qui indique que ces recettes fiscales ne profitaient pas vraiment aux villes commerciales et industrielles. Selon M. Benachenou, qui était ministre des Finances entre 1999 et 2001 puis entre 2003 et 2006, les collectivités locales doivent accepter un traitement "différencié" (en terme de dotations publiques) pour permettre à l'ensemble des territoires de se développer à la même cadence. Dans ce même contexte, M. Benachenhou a appelé à une réforme "urgente" des finances locales, estimant que des réformes sectorielles et institutionnelles sont aussi nécessaires pour corriger les dysfonctionnements et disparités dans le développement des territoires. "Nous ne pouvons pas atteindre le renouveau industriel si nous ne développons pas d'abord les filières primaires : agroalimentaires, manufactures et médicaments", pense-t-il tout en insistant sur l'impératif de revoir la stratégie nationale de l'investissement qui, lui seul, crée le développement et la croissance. En matière d'innovations institutionnelles le conférencier préconise la modernisation de la gestion des collectivités locales de sorte à leur permettre de jouer leur rôle de "provocateur de développement". S'exprimant par ailleurs en marge de cette rencontre, M. Benachenhou a salué les nouvelles mesures notamment économiques introduites dans la Loi portant révision de la Constitution, adoptée récemment par le Parlement. Cette loi consacre notamment l'égalité entre secteur public et privé économique et l'élargissement la mission du contrôle de la Cour des comptes au secteurs public marchand alors qu'il était limité aux finances publiques.