L'édition 2016 du Classement mondial de la liberté de la presse publié mercredi par Reporters sans frontières (RSF) met en évidence une dégradation de l'indice mondial et des indices de tous les continents. Dans son rapport, RSF relève une dégradation « profonde et préoccupante» de la liberté de la presse dans le monde, soulignant que l'indice mondial qui était l'année précédente à 3719 points, se trouve en 2016 à 3857 points, soit une détérioration de 3,71% et de 13,6% par rapport à la situation de 2013. « Les raisons du recul de la liberté de la presse sont nombreuses : dérive liberticide des gouvernements, comme en Turquie ou en Egypte, prise de contrôle des médias publics, y compris en Europe, en Pologne par exemple, situations sécuritaires de plus en plus tendues, en Libye et au Burundi, ou carrément catastrophiques, comme au Yémen», explique le rapport. Pour l'organisation, la situation de l'information indépendante est « de plus en plus précaire» dans le secteur public comme dans le domaine privé. Partout dans le monde, des « oligarques» rachètent les médias et exercent des pressions qui s'ajoutent à celles des Etats, précise-t-il, faisant constater que tous les indicateurs du classement « témoignent d'une dégradation entre 2013 et 2016». Entre 2013 et 2016, RSF constate une chute de 16% de cet indicateur qui se caractérise par une détérioration « sensible» également pour le cadre légal : nombre de lois ont été édictées, punissant les journalistes pour des incriminations « fallacieuses», « blasphème» ou « soutien au terrorisme». Comme conséquence, l'organisation constate que cette situation « alarmante» emmène les journalistes à pratiquer de l'autocensure (plus de 10 % entre 2013 et 2016). Le rapport indique que tous les continents ont vu leur score se détériorer. « Les Amériques dévissent littéralement (20.5 %) sous le poids d'une Amérique latine plombée par les assassinats et les attaques contre des journalistes au Mexique et en Amérique centrale», met-il en relief, ajoutant que cette évolution « négative» touche également l'Europe et les Balkans (6,5 %), en raison notamment de la montée en puissance de mouvements extrémistes et de gouvernements ultraconservateurs. Le mauvais score dans le rapport de RSF revient à la zone Asie centrale/Europe de l'Est, un score qui se dégrade de 5%, « sous l'effet d'une glaciation toujours plus forte de la liberté de la presse et d'expression dans des pays aux régimes autoritaires». Sur un autre plan, le rapport relève qu'aujourd'hui, « il est de plus en plus facile pour tous les pouvoirs de s'adresser directement au public grâce aux nouvelles technologies, et donc il y a une violence plus grande contre tous ceux qui représentent l'information indépendante», soulignant que « les nouvelles technologies permettent à bas coûts de diffuser sa propre communication, son information, sous la dictée». Pour la France, classée la 45ème place, le rapport indique que le rachat de médias par des acteurs de la finance et de l'industrie suscite des craintes de « plus en plus grandes» sur l'indépendance éditoriale. « L'appropriation des médias par une poignée d'hommes issus de la finance et de l'industrie constitue d'ailleurs la principale raison du recul relatif de la France», explique-t-il, soulignant que cette situation 1⁄2entraîne des conflits d'intérêts qui font peser une menace sur la liberté de l'information, et même sur la situation économique des médias, le développement de ces derniers étant pour leurs détenteurs un objectif second». En bas du classement, comme l'an dernier, la Syrie stagne, selon le jugement de RSF, à la 177e place sur 180, juste derrière la Chine (176e), et devant le Turkménistan (178e), la Corée du Nord (179e) et l'Erythrée (180e). En Afrique, le Burundi perd 11 places (156e) car « ce pays a été le théâtre de violences envers les journalistes après la candidature contestée puis la réélection du président Pierre Nkurunziza». En Asie, le Japon perd 11 places (72e) à cause de nombreux médias, y compris publics, qui « succombent à l'autocensure vis-à-vis du Premier ministre notamment et sont pris en défaut d'indépendance».