Une atmosphère pesante régne à Mihoub (100 km au nord-est de Médéa) trois jours après le séisme d'une magnitude de 5,3, qui a frappé cette paisible localité, le 29 mai dernier, a-t-on constaté. L'inquiétude se lisait sur tous les visages. Les gens, meurtris par les longues et interminables nuits passées en plein air, rythmées par d'incessantes répliques à la première secousse, errent dans les ruelles étroites du centre-ville en quête de "bonnes nouvelles". L'aide promise par les autorités tarde à venir, le pain et les produits de larges consommation commencent à se font rares, l'arrivée de la pluie n'arrange guère les choses. Des bénévoles assurent l'approvisionnement des habitants en pain et certains fruits et légumes, acheminés à partir de Ain-Bessam (Bouira), comme le signal à l'APS le jeune Ahcène Bouraha, dont la demeure familiale s'est totalement effondrée. Dix sept tentes ont été, pour l'heure, distribuées sur la population, au moment où les besoins sont jugés, non seulement énormes, mais "en deça" des promesses des autorités qui avaient assuré, lors du déplacement du ministre de l'habitat, de l'urbanisme et de la ville, Abdelmadjid Tebboune, dans les communes de Mihoub et Mezghena, qu'un nombre suffisant de tentes allait être distribuées dans les prochaines heures. Un retard que n'arrive pas à comprendre Mohamed Hamdani, qui a transformé sa voiture en "gite temporaire" pour ses vieux parents. Des cas similaires sont légion aussi bien au chef-lieu de la commune de Mihoub, le plus touché par le séisme, qu'en zone rurale où des villages comme Mouzoubia, Mtafar, Khelaifia, Ouled Brahim et Ouled El-Aoufi ont été affectés. Des habitants de ces villages rencontrés par l'APS n'ont pas caché leur amertume, se considérant comme des "oubliés par l'Etat". "Tous les regards sont tournés vers Mihoub ville, alors que des dizaines de familles n'ont plus de toit ici et passent la nuit à la belle étoile", s'offusque Mohamed Foulate, un jeune père de famille, habitant du village de Ouled Mhamed, à la frontière entre les communes de Mihoub et El-Azzizia, dont la maison en toub (chaume) est partie en ruines suite au séisme. Sa femme et sa petite fille sont hébergées, depuis le séisme du 29 Mai, par des voisins. Lui est contraint de passer la nuit devant ce qui reste de sa maison. Comme beaucoup d'autres habitants sinistrés de ce village, qui dépassent la soixantaine, d'après les affirmations du président de l'APC d'El-Azzizia, rencontré sur place, Foulate doit attendre encore quelque temps pour avoir droit à une tente. Les limites de la patience La colère des habitants de Mihoub, réputés pourtant calmes, monte d'un cran, au fur et à mesure que les jours passent. Ces derniers l'ont fait, d'ailleurs, savoir mardi aux autorités à l'occasion du déplacement sur les lieux des membres de la cellule de crise, présidée par le secrétaire général de la wilaya, en procédant, d'abord, à la fermeture de l'axe principal à la ville, puis en empêchant cette délégation de quitter le siège de l'APC où se tenait une réunion d'évaluation de la situation. Le siège de l'APC, fortement endommagé par le séisme, a été assiégé par des citoyens qui réclamaient des "actes concrets" et étaient décidés à aller au bout de leur action. Le siège sera levé, après plusieurs heures de discussion et de "négociation". Un engagement sera pris sur place par le secrétaire général, El-Hadj Mokdad, de livrer, avant la fin de la journée, un premier lot de tentes. 123 tentes ont été acheminés, vers 18h, vers le centre-ville de Mihoub pour y être distribuées. Dix-sept tentes, provenant des stocks de la Protection civile, ont été dressées au lendemain du séisme, dans une école à Mihoub où sont hébergées une dizaine de familles, contre trois à Mouzoubia et quatre à Mtarfa. Parc d'habitation et infrastructure rudement touchés Les premières images du sinistre sont perceptibles dès l'entrée du centre-ville de Mihoub. Des blocs d'immeuble, en voie de finition ou en construction, appartenant à l'Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI), sont "cisaillés" de long en large, les façades éventrées, des pans de cloisons jonchent le sol, des édifices publics, éparpillés aux quatre coins de la ville, sont partiellement ou fortement endommagés, comme c'est le cas du siège de l'APC, la bibliothèque communale et la polyclinique. A chaque détour de la ville, les mêmes images de destruction s'offrent au visiteur. Une virée à l'intérieur de certaines maisons donne un parfait aperçu de ce "mini-désastre" qui s'est abattu sur cette commune. Fissures béantes sur les murs, toiture éventrées, murs écroulés : tel est le décor qui s'offre au visiteur de ces lieux, abandonnés pour la plus part, par leurs occupants. Les effets du séisme sont présents partout et, au vu de la persistance des répliques, même les bâtisses les plus solides finiraient par céder, s'inquiètte Azzedine Nehailia, un habitant de la ville qui a passé trois jours, en plein air, lui et sa famille, vu l'état de sa maison. Décompte provisoire des dégâts Un décompte "provisoire" des dégâts recensés par la cellule de crise de la wilaya de Médéa, à travers les communes de Mihoub, El-Azzizia, Tablat, Mezghena, Guelb-El-Kebir, Sidi-Rabei et Beni-Slimane, fait état de dégâts "assez importants". Sur près de 470 habitations (collectives et individuelles) expertisées par le Centre de contrôle technique de la construction (Ctc), 62 ont été classées rouge, ce qui représente le niveau de risque le plus élevé, 200 autres constructions ont été classées orange, soit un risque moyen, nécessitant des travaux de confortement, et 207 autres classées vert. Le travail d'expertise annoncé par le ministre de l'habitat, à l'occasion de sa visite sur les lieux, devrait se poursuivre encore pendant plusieurs jours, puisqu'une partie seulement des zones affectées ont été visitées par les équipes du Ctc, apprend-on auprès des membres de la cellule de crise. Dix neuf (19) structures, dont huit établissements scolaires, deux polycliniques et trois infrastructures de jeunes et culturelles, ont été fortement endommagées par ce séisme, est-il mentionné dans le bilan de la cellule de crise. Une équipe de huit psychologues a été envoyée mardi par la direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn), dans les zones sinistrées de la commune de Mihoub et El-Azzizia. Son objectif : examiner l'éventualité de la mise en place d'une cellule de soutien psychologique permanente dans la commune de Mihoub, eu égard à l'impact du séisme sur la population locale, selon le chef de mission de l'équipe, Faiza Latoui. Outre les prises de contact avec les familles des blessés, les membres de cette équipe ont organisé des séances de discussion et de soutien psychologiques au profit de personnes âgées, de malades chroniques et d'enfants, traumatisés par le choc du séisme et ses répliques régulières. Une autre équipe de psychologues de la Protection civile est opérationnelle sur les lieux depuis trois jours. Un chapiteau a été dressé dans l'enceinte de ce qui fait office de centre opérationnel des secours pour accueillir les citoyens. De visites et des séances de soutien psychologique sont également menées à travers différents quartiers et zones d'habitation de la ville. Une action saluée par la population qui a fortement besoin de s'exprimer et de se libérer de cette angoisse pesante et permanente qui ne les quitte plus depuis le 13 avril dernier, début de la série de secousses qui a chamboulé toute leur vie.