L'organisation des droits de l'Homme, Amnesty International (AI), a condamné samedi, le recours "excessif" à la force par les forces de sécurité marocaines contre les manifestants à Jerada, au nord-est du Maroc, théâtre de violents affrontements opposant forces de l'ordre et manifestants qui exprimaient leur mécontentement face à leurs conditions de vie difficiles. "Les forces de sécurité marocaines doivent cesser de recourir à la force excessive et d'intimider les manifestants pacifiques à Jerada", a déclaré l'ONG, après que cinq camions de la police auraient fauché une foule de manifestants, blessant des dizaines de personnes dans la ville de Jerada. Amnesty affirme que les autorités marocaines "doivent permettre toute manifestation pacifique et assurer la sécurité des manifestants qui devraient être autorisés à exercer leurs droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique", a déclaré la directrice régionale d'AI pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Heba Morayef. "Les forces de sécurité ne devraient jamais être autorisées à recourir à une force excessive contre les manifestants", a-t-elle dit soulignant que les manifestations ne sont qu'une "réponse à de véritables difficultés économiques". Heba Morayef a encore précisé que le rôle de la police devrait être de "protéger les citoyens et de calmer une situation tendue et non pas l'enflammer", soutenant que le fait qu'une manifestation n'ait pas été explicitement autorisée ne justifie pas le recours à une force excessive. Le mardi dernier, le gouvernement marocain a interdit les manifestations dans la ville de Jerada, en réponse aux appels de protestations sur les médias sociaux après la mort de deux frères dans une mine de charbon trois mois plus tôt. Le lendemain matin, des dizaines de manifestants ont organisé un sit-in près des mines de charbon du village de Youssef. Ils ont été rejoints environ trois heures plus tard par des membres de leurs familles et d'autres protestataires. Deux témoins oculaires ont déclaré à AI que les forces de sécurité étaient présentes depuis le début du sit-in vers 10 heures du matin. Vers 13 heures, "soudainement et sans aviser, ils ont commencé à disperser violemment la protestation", ont attesté les témoins. Environ 64 personnes ont été blessées et au moins 8 personnes ont été arrêtées, affirme l'ONG, citant des témoins qui ont également rapporté qu'à six heures et demi du soir, cinq camions de la police ont foncé dans la foule où se trouvaient également des femmes et des enfants. "Un enfant de 14 ans a été écrasé avant d'être transféré à l'hôpital d'Oujda. L'accès à l'hôpital a depuis été interdit", souligne l'organisation. Elle a appelé les autorités marocaines à libérer les manifestants arrêtés, rappelant que le droit international interdit aux forces de sécurité le recours à la force sauf dans un cas "strictement nécessaire et proportionné, et de manière à minimiser les dommages où les blessures". Amnesty souligne que la ville de Jerada a été économiquement dévastée par la fermeture de sa mine en 1998. Elle a depuis été le théâtre des protestations sociales, notamment depuis la mort de Houcine et Jedouane, deux frères, dans une mine de charbon le 22 décembre 2017. Depuis, des manifestations sont organisées, exigeant du gouvernement des mesures d'aide économique afin de lutter contre la pauvreté, au même titre que les revendications du mouvement Hirak du Rif.