La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a décidé de prolonger sa mission de bons offices au Mali après l'échec de sa première médiation pour rapprocher les positions du gouvernement et du mouvement de contestation. Le Mouvement du 5 juin-rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui demande le départ du président Ibrahim Boubacar Keita a rejeté samedi le plan de sortie de crise, proposé par les émissaires de cette organisation intergouvernementale, poussant cette dernière à prolonger de 24 heures son séjour au Mali. Les tractations se poursuivent dimanche et des rencontres officielles et "discrètes" ont encore eu lieu samedi, rapportent des médias locaux. La délégation de la CEDEAO s'est rendue encore une fois samedi chez l'imam Mahmoud Dicko, leader du mouvement de contestation du "5 juin". Les entretiens ont notamment porté sur le nom du futur chef du gouvernement malien. "Rien d'officiel, mais les lignes pourraient bouger dans ce sens", affirment des observateurs de la scène politique malienne. Lire aussi: Mali/crise socio-politique : la Cédéao prolonge sa mission Mama Koité Doumbia, présidente de la Plateforme des femmes leaders du Mali, a conduit de son côté la délégation de femmes. Dans un communiqué repris dimanche par des médias locaux, le mouvement (M5-RFP) qui mène la contestation au Mali affirme que " les propositions de solutions de la mission de la CEDEAO ne correspondent pas aux aspirations et attentes exprimées par le M5-RFP ". "Ces propositions sont les mêmes que celles antérieurement formulées par le président Ibrahim Boubacar Keïta, et rejetées par notre Mouvement", regrette le mouvement dans le même communiqué. La délégation de haut niveau de la CEDEAO a proposé au M5-RFP de faire partie d'un gouvernement d'union nationale qui engagera notamment des réformes politiques et des poursuites contre les responsables des meurtres lors des manifestations du week-end du 11 juillet. La mission conduite par l'ancien président du Nigeria Goodluck Jonathan et composée de personnalités politiques et d'experts de pays membres de la CEDEAO a rencontré à Bamako les différents protagonistes de la crise avec l'objectif de faire évoluer le statut quo et rapprocher le gouvernement et les mouvements au cœur de la contestation. Les dessous de la crise Les tensions qui secouent le Mali depuis le mois de juin ont dégénéré lors de la troisième manifestation du mouvement le 10 juillet. Des violences ont éclaté et se sont poursuivies tout le weekend. Onze (11) personnes y ont perdu la vie et 158 autres ont été blessées, selon les données officielles. Ce mouvement de contestation est né après l'annonce des résultats des dernières législatives. L'opposition reproche à la Cour constitutionnelle d'"avoir inversé une trentaine de résultats, dont une dizaine au profit du parti du Rassemblement pour le Mali (RPM)", le parti au pouvoir. Depuis, les différentes revendications portées par ce mouvement qui fédère opposition, société civile, syndicats et religieux ont évolué en une seule, la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK et le départ du pouvoir en place. A cette exigence, la CEDEAO a opposé un refus en indiquant qu'elle n'avait pas été mandatée pour demander la démission du président". "La délégation CEDEAO a aussi affirmé qu'aucune organisation internationale ne soutiendra le mouvement M5-RFP dans sa démarche visant la démission du chef de l'Etat", argumentant sa position par "les besoins de stabilité, de la légalité et les risques à courir après le départ d'un président élu". Lire aussi: Mali: la Cédéao propose des pistes de solution, l'opposition peu satisfaite A ce sujet, l'ancien porte-parole du gouvernement, Amadou Koita cité par des médias, souligne que " La loi fondamentale stipule que la souveraineté appartient au peuple tout entier", précisant qu'"aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice''. Pour le professeur Etienne Fakaba Cissoko, directeur du Centre de Recherches d'analyse politique et économique du Mali, "l'exigence de démission adressée au président IBK n'est pas la solution". Pour autant, la contestation canalise les mécontentements dus à la dégradation de la situation sécuritaire, la crise économique et sociale, les soupçons de mal gouvernance alimentés par les scandales qui ont touché différentes institutions. De même, le coronavirus (Covid-19) a mis le monde à terre. Cette pandémie a des conséquences terribles qu'elles soient sanitaires, économiques ou sociales et le Mali n'est pas en reste. Avec la désobéissance civile décrétée par le mouvement du M5, des entreprises sont à l'arrêt, les services sociaux de base sont perturbés et les services publics fonctionnent au ralenti.