L'ancien diplomate marocain, Ali Lmrabet, a déclaré que derrière la persistance de l'occupation du Sahara occidental par le Maroc se cachait la volonté de garantir la survie de la monarchie. "( ) Si un jour, pour une raison ou une autre, la survie de la monarchie devait dépendre de l'abandon du Sahara occidental, le roi du Maroc n'hésiterait pas une seule seconde à s'en débarrasser, en utilisant probablement des arguments fabriqués similaires à ceux utilisés aujourd'hui (dans la question sahraouie", a écrit M. Lmrabet dans une analyse publiée mardi sur le site PoliticsToday.org. "Compte tenu de la mainmise du roi sur l'appareil répressif de l'Etat, les Marocains ne s'opposeront pas. Ils abandonneront le Sahara occidental, comme ils le font aujourd'hui pour la Palestine", a-t-il enchaîné. En fin de compte, soutient-il, "les causes sacrées au Maroc ne sont ni la Palestine ni le Sahara occidental. La première cause sacrée est la survie de la dynastie alaouite. En abandonnant la Palestine, le roi du Maroc consolide la présence marocaine au Sahara occidental". Jusqu'au jour où le président américain sortant Donald Trump a annoncé sa décision de reconnaître la supposée souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en échange du rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, les deux questions (sahraouie/palestinienne) n'ont jamais été discutées ensemble, a-t-il fait remarquer. Pour Ali Lmrabet, " il était impensable que l'une puisse être troquée contre l'autre. Cependant, c'est précisément ce qui vient de se passer. En acceptant de se réengager avec (l'entité sioniste), le roi du Maroc Mohamed VI a rompu ce consensus sur la Palestine". Résultat: "les Marocains sont mortifiés par sa décision de rétablir les relations diplomatiques avec Israël, qui est considéré comme un Etat colonial", souligne l'auteur, notant que les Marocains ont toujours porté dans leurs cœurs la cause palestinienne, et que tous les partis politiques marocains se sont continuellement déclarés pro-palestiniens. S'agissant du conflit au Sahara Occidental, seul Annahj Addimocrati, est neutre et appelle à la tenue d'un référendum sur l'autodétermination au Sahara occidental, rappelle l'auteur. La position de cette formation est rare dans un pays où le concept de "consensus national" a été imposé, selon lequel tous les Marocains sont obligatoirement en faveur de la soi-disant "marocanité du Sahara", et ceux qui appellent à la tenue d'un référendum, bien qu'acceptée par Hassan II, sont considérés comme des "traîtres", explique Lmrabet, également journaliste. Un affront au PJD Dans un pays comme le Maroc, qui a une monarchie prétendument constitutionnelle, les élus à la Chambre des représentants (la chambre basse), n'ont pas exprimé leur voix, du moins symboliquement. La Fédération de la gauche démocratique (FGD), avec deux députés à la Chambre des représentants ont protesté, mais doucement, ainsi que deux autres mouvements sans représentation parlementaire, considérés comme les véritables partis d'opposition au Maroc: Enahj Adimocrati, et l'association Al Adl Wal Ihsane. Quant au Parti pour la justice et le développement (PJD), le bloc le plus fort de la Chambre des représentants avec 125 députés sur 395, sa crédibilité a été mise à rude épreuve au sein des masses marocaines conservatrices. Lorsqu'il n'était pas encore chef du gouvernement, Saaddine El Othmani a écrit un article intitulé "La normalisation est un génocide civilisationnel". Pas plus tard que le mois d'août dernier, El Othmani avait claironné que "le Maroc, le roi, le gouvernement et le peuple, sont résolument hostiles à toute normalisation avec l'entité sioniste". Le fait qu'El Othmani ait été contraint par le Palais Royal de signer, devant les caméras de télévision le mardi 22 décembre 2020, les accords tripartites avec Jared Kushner et un haut représentant de "l'entité sioniste", a été ressenti par lui et sa base électorale comme "une forte gifle". L'humiliation publique infligée à El Othmani était cependant "le prix à payer pour accepter le maigre pouvoir accordé par le Palais Royal", explique le journaliste. Ce qui est encore "plus dramatique", dit-il, "c'est que les ministres du PJD ne peuvent même pas démissionner pour échapper à "l'opprobre général". Au Maroc, les ministres, et encore moins le Premier ministre, ne démissionnent pas. Ils sont licenciés ou démissionnent à la demande du roi. " La monarchie marocaine est une véritable autocratie. Le roi du Maroc règne, gouverne, il est le chef suprême et le chef d'état-major des Forces armées royales (FAR) et a la plus grande fortune du pays", a-t-il mentionné. Si l'on ajoute à ces pouvoirs, à la fois temporels et religieux, le fait que le roi contrôle directement plusieurs "ministères de souveraineté", il est aisé de comprendre pourquoi les Marocains et leurs représentants au parlement et au gouvernement ont peu de chances de faire grand-chose pour renverser la décision royale de normalisation avec Israël, relève Ali Lmrabet.