Les troubles nocturnes survenus ces derniers jours dans plusieurs villes et quartiers de Tunisie continuaient à susciter, lundi, un large mouvement d'indignation auprès de formations politiques et d'organisations syndicales, appelant les jeunes à la retenue et à opter plutôt pour des voies pacifiques pour exprimer leurs revendications. L'Organe consultatif du parti d'Ennahdha, principale formation politique en Tunisie, s'est dit dans un communiqué rendu public, lundi, "profondément préoccupé" par les émeutes nocturnes qui ont éclaté dans plusieurs régions du pays, dénonçant des "actes de vandalisme qui ciblent les biens publics et privés ainsi que des institutions administratives et des commerces". "Ces actes de violence sont injustifiés et n'ont rien à voir avec les mouvements de protestation pacifique garantis par la loi et la Constitution", souligne le communiqué. Le conseil a également réitéré la position du parti qui appelle à hâter l'organisation d'un "dialogue national pour déterminer les réformes nécessaires et les priorités en vue de faire face aux difficultés économiques et sanitaires". De son côté, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) a appelé à la "poursuite des mouvements sociaux en veillant à ne pas porter atteinte aux biens publics et privés, afin de faire prévaloir le véritable objectif de ces manifestations qui aspirent à un changement réel et à une rupture avec les politiques économiques et sociales déficientes". Dans un communiqué publié, lundi, le forum "a réitéré son appui à toutes les manifestations sociales pour les droits, la dignité et l'égalité devant la loi", faisant assumer aux "dirigeants politiques" la responsabilité de la "détérioration de la situation" socio-économique dans le pays, en plus de la "corruption". Pour sa part, l'Union générale des travailleurs tunisiens(UGTT) a appelé dans un communiqué rendu public, les "jeunes tunisiens à cesser immédiatement leur mouvement nocturne qui ouvre la voie à tous les dépassements, à la violence et aux actes de vandalisme". L'UGTT, qui incombe aux autorités la responsabilité du "marasme dans lequel patauge les jeunes", a dénoncé "le silence des responsables locaux face aux actes de violence et de vandalisme auxquels s'adonnent les jeunes". Pour leur part, l'Union tunisienne de l'Industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) et le syndicat des agriculteurs (Synagri) ont condamné les "actes de violence et de vandalisme et les attaques aux biens publics et privés enregistrés ces dernières nuits, dans plusieurs régions du pays", critiquant le "mutisme des gouvernants et leur incapacité à gérer la situation". Dans son communiqué, l'Utica a dénoncé ces dépassements qui n"'entrent pas dans la case de la protestation pacifique et de la liberté d'expression et qui ont porté atteinte à plusieurs entreprises économiques, établissements publics et biens privés". Appelant à appliquer la loi contre les contrevenants, l'Utica a mis en garde contre le "danger des discours populistes et de la manipulation qui sont capables de fragiliser même les plus vielles des démocraties". Pour l'Utica, "ces pratiques ne généreront à la Tunisie que davantage de pertes dans un contexte économique et social très délicat, marqué par les répercussions de la pandémie sanitaire". De son côté, le Synagri a appelé "les organisations nationales et les forces vives du pays à encadrer ces mouvements, afin de faire aboutir les vrais objectifs de la révolution". Lire aussi: Tunisie: après une semaine de troubles sociaux, des mesures sociales annoncées Plus de 600 arrestations Plus de 600 personnes ont été arrêtées après une troisième nuit d'émeutes dans de nombreuses villes de Tunisie, a indiqué le ministère tunisien de l'Intérieur lundi. Des troubles ont éclaté au lendemain du dixième anniversaire de la chute de l'ancien régime de Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, qui intervient dans un contexte de confinement général de quatre jours qui s'est achevé dimanche, pour tenter d'endiguer une flambée des cas de Covid-19, assorti d'un couvre feu à partir de 16H00. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khaled Hayouni, a fait état de 632 arrestations, évoquant des groupes de personnes entre 15 et 25 ans qui ont "brûlé des pneus et des poubelles afin d'entraver les mouvements des forces de sécurité". La police, déployée en nombre dans des dizaines de localités, dont le vaste quartier populaire d'Ettadhamen en périphérie de Tunis, a été prise pour cible par des protestataires souvent jeunes. Des pillages ont également eu lieu dans certaines zones. L'armée a déployé des renforts dans les régions de Bizerte (nord), Sousse (est), Kasserine et Siliana (centre-ouest) - afin de protéger les bâtiments publics, a indiqué un porte-parole du ministère de la Défense, Mohamed Zikri.