Se contenter d'une réponse sécuritaire, pour répondre à la détresse des jeunes Tunisiens, a exacerbé le climat de tensions et nourri le ressentiment de la rue envers un gouvernement en manque d'alternatives concrètes pour sortir de l'impasse économique. Les manifestations nocturnes en Tunisie se sont poursuivies dans la nuit de lundi à hier, pour le quatrième jour consécutif, malgré le couvre-feu imposé par les autorités et le déploiement des membres de la garde nationale dans la capitale et les autres villes, où la tension persiste toujours, selon les médias tunisiens et les contenus vidéo et photo circulant sur les réseaux sociaux. Ces manifestations, accompagnées d'une vague d'arrestations parmi les contestataires, ont été marquées de nouveau par de violents affrontements avec les forces de l'ordre, affirment les mêmes sources, faisant état d'actes de vandalisme et de tentatives de vol dans certains commerces. Dans les quartiers périphériques de la capitale Tunis, où vit une population démunie, ce face-à-face s'est renouvelé dans la cité d'Ettadhamen, tout comme à Sfax, deuxième grande ville du pays. Dans la région de Gafsa, qui connaît depuis des semaines des mouvements de grève et de sit-in réguliers, les citoyens sont sortis dénoncer la destruction d'un point de vente informel, dans un contexte marqué par une crise économique endémique et un chômage qui touche plus de 43% de la jeunesse tunisienne, selon certaines statistiques. Des échauffourées ont également éclaté à Kef, à Bizerte (Nord), à Kasserine (Centre-Ouest), à Sousse et à Monastir (Centre-Est), selon des médias locaux. À défaut de solutions concrètes pour endiguer le chômage des jeunes, les autorités insistent sur le caractère violent de certains manifestants qui s'en prennent aux biens publics privés et de l'Etat, pour vraisemblablement justifier la seule réponse sécuritaire qu'elles apportent à ce mouvement de colère mené par des jeunes dont l'âge ne dépasse pas les 25 ans, selon différentes sources. Cible de critiques violentes depuis des mois, la classe politique se refuse d'assumer une part de responsabilité dans ces événements révélateurs de l'ampleur de la crise que traverse ce pays voisin. Réagissant à ce qui se passe, l'ONG Amnesty International a déclaré dans un communiqué lundi soir que "les forces de sécurité tunisiennes doivent immédiatement s'abstenir d'utiliser une force inutile et excessive pour disperser les manifestants descendus dans les rues de la capitale et de plusieurs gouvernorats, contre la marginalisation, la violence policière, la pauvreté et le manque de possibilités d'emploi". Fin décembre, plusieurs syndicats et corps de métiers ont observé d'importants mouvements de grève pendant plusieurs jours pour dénoncer leur marginalisation et des salaires stagnants depuis des années. En dehors des tentatives de dialogue menées par le président et son gouvernement, aucune avancée n'a été enregistrée à ce stade. Et les divisions politiques ne sont pas pour avantager l'ouverture du dialogue national, proposé par la puissante centrale syndicale l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), pour sortir du marasme économique et aplanir une scène politique marquée par de récurrentes violentes physiques et verbales au sein de l'Assemblée nationale tunisienne, sous contrôle du parti islamiste Ennahdha et de quelques alliés que la rue tunisienne accuse de corruption. Pour rappel, les manifestations en cours interviennent au lendemain de la célébration du dixième anniversaire de la chute de l'ancien régime de Ben Ali, dans un contexte de crise sanitaire due à la pandémie de coronavirus. Lyès Menacer