Les réactions suscitées aux Etats-Unis par la proclamation de Donald Trump concernant la reconnaissance de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental laisse croire que le nouveau président américain, Joe Biden, pourrait franchir le pas et annuler cette décision, a déclaré Marcelo Kohen, professeur de droit international à l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève. La contestation de cette proclamation par des personnalités politiques américaines, notamment le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants "peut laisser supposer" que Biden franchira le pas et qu'il annule la décision de Trump, a expliqué Marcelo Kohen lors de son passage sur l'émission Géopolitis, de la chaîne de télévision suisse, RTS. "Théoriquement, Biden peut annuler la décision de Trump, mais politiquement c'est un peu difficile (à faire) parce que comme on le sait, cette proclamation a été faite en contrepartie de la normalisation des relations" entre le Maroc et l'entité sioniste, a-t-il signalé, néanmoins. Il a tenu à préciser, d'autre part, que l'annonce de Trump ne changera rien au fait que le Sahara occidental reste un territoire non autonome, rappelant la déclaration du secrétaire général des Nations unies qui a considéré que la position de cette organisation restait la même en ce qui concerne la question des territoires occupés. Interrogé au sujet des raisons à l'origine du blocage du référendum d'autodétermination du peuple sahraoui prévu depuis trois décennies, l'invité de l'émission a indiqué qu'il existait un "manque de volonté politique d'aller de l'avant" . Il a ajouté que le Conseil de sécurité avait appelé le Maroc et le Front Polisario, représentant du peuple sahraoui, à se réunir pour négocier. Un objectif difficile à atteindre en raison des divergences existant entre les deux parties, selon lui. Il a rappelé, en outre, que la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) surveillait l'application du cessez-le-feu, depuis des années, alors qu'elle devait s'occuper de l'organisation du référendum. L'expert est allé plus loin en affirmant que c'était à l'Espagne de s'assurer de la tenue du référendum avant de quitter les territoires sahraouis, en 1975, sous la pression des Nations unies. A l'époque, les Nations unies avaient imposé à l'ancienne puissance coloniale d'organiser un référendum d'autodétermination, "mais l'Espagne a conclu un accord avec le Maroc et la Mauritanie auxquels elle a cédé l'administration du Sahara occidental", a-t-il soutenu. Sur un autre plan, l'universitaire a rappelé que l'exploitation des richesses des territoires sahraouis par le Maroc était illégale, de même que l'investissement étranger sur place. "Les Nations unies ont reconnu l'existence d'un peuple sahraoui et elles reconnaissent sa souveraineté sur les richesses (du Sahara occidental). Donc, il appartient au peuple sahraoui de décider de la manière d'exploiter les ressources du territoire", a-t-il relevé. Il a déploré, à ce propos, le fait que certains "organes européens" agissent en contradiction avec la décision de la Cour européenne de justice selon laquelle les accords conclus entre le Maroc et l'Union européenne ne devaient pas inclure le territoire du Sahara occidental, considéré, par la justice européenne, comme un territoire distinct de celui du Maroc. D'après Marcelo Kohen, ces "organes européens ont modifié leurs derniers accords de pêche (avec le Maroc) incluant explicitement le Sahara occidental, reconnaissant formellement qu'il s'agit d'un territoire non autonome mais permettant au Maroc de décider de l'exploitation des ressources" locales. Il estime, enfin, qu'en dépit des difficultés, la tenue d'un référendum pour l'autodétermination du peuple sahraoui reste la meilleur solution pour régler définitivement le conflit.