La présence militaire française au Sahel a été la cible d'un mouvement de contestation sans précédent en 2021, en raison notamment de ses résultats décourageants en matière de lutte anti-terroriste, culminant, le mois dernier, par le blocage du passage d'un convoi logistique par les populations. Du Mali au Burkina Faso en passant par le Niger, la politique extérieure de l'ancienne puissance coloniale est de plus en plus contestée par les opinions publiques locales qui s'interrogent plus que jamais sur l'efficacité de l'opération militaire française. Elles croient dur comme fer que "seul le départ des troupes françaises de leurs pays respectifs, pourrait ouvrir la voie à la paix et au développement". Le Burkina Faso a été, vers la mi-novembre, le théâtre de manifestations monstres contre le passage d'un convoi logistique de l'armée française en transit vers le Niger voisin pour se rendre à sa destination finale, Gao (Mali). Signe de l'exaspération, les manifestants brandissaient des bannières portant des slogans tels que "Armée française dégage!" et "Libérez le Sahel". Roland Balay, l'un des organisateurs des manifestations, avait alors déclaré : "Nous avons décidé de faire barrage, parce que malgré les accords signés avec la France, nous continuons à enregistrer des morts et nos pays demeurent sous-armés". De longues et âpres négociations ont permis finalement au convoi de progresser vers le Niger le 25 novembre. Dans ce pays également, des manifestations attendaient le convoi. Des populations y ont crié leur colère contre la France. Comme à Kaya, les contestataires de Téra estiment que "la France aurait dû être en mesure de régler le problème sécuritaire et devrait maintenant se retirer si elle ne peut le faire". C'est la première fois, selon des observateurs, que la contestation de la présence française est aussi évidente dans les zones affectées par le conflit. Auparavant, les manifestations étaient cantonnées aux capitales, Bamako et Ouagadougou en tête. Ce sentiment de colère qui s'est cristallisé au Burkina Faso, fait suite à celui déjà observé au Mali, où la société civile et des partis politiques ont investi la rue dès le mois de janvier pour protester contre les troupes françaises présentes au Mali depuis 2013. Ces manifestations, qui se sont poursuivies jusqu'au mois d'octobre, sont intervenues dans un contexte marqué par la multiplication des bavures militaires françaises, dont la plus sanglante avait fait en janvier 19 morts parmi les civils à Bounti, dans le centre du Mali. Les raisons de la colère Si l'ampleur de l'adhésion au discours anti-français est difficile à mesurer, il est "en train de s'imposer dans l'espace politique sahélien et en façonne la dynamique", note le chercheur français Yvan Guichaoua. Ce dernier parle de "bain d'hostilité" dans lequel évolue la France. Sur cet élan, le ministre burkinabè de la Communication, Ousseni Tamboura, avait déclaré que le blocus subi par le convoi militaire français sur le territoire burkinabè "devrait nous donner l'opportunité de nous interroger véritablement sur la coopération entre la France et le Burkina Faso plutôt que de considérer que c'est une manipulation des réseaux sociaux". Pour le ministre Tamboura, "les populations sont souvent dans une certaine légitimité pour s'interroger sur l'utilité de cette coopération". Lire aussi: Sahel: la présence militaire française de plus en plus contestée D'après Boubacar Haidara, docteur en sciences politiques malien, "l'erreur des autorités françaises est de penser que les contestations de la présence française ne sont que le fruit de manipulations, mais (elles) sont également le résultat de leur politique sahélienne". "La population n'arrive pas à comprendre que le terrorisme puisse gagner du terrain alors que les soldats français sont là", fait valoir un diplomate français. Dans ce cafouillage, Paris cherche à se réorganiser. Suite aux bavures militaires ayant entaché la réputation de la France, déjà ternie dans la région, le président français, Emmanuel Macron a fini par annoncer, le 10 juin dernier, la fin de la mission Barkhane au Mali, actant l'échec d'une politique militaire qui a duré huit ans, alors qu'un sondage réalisé début janvier par l'Institut français d'opinion publique (IFOP) a révélé que la moitié des Français désapprouvaient l'intervention française au Mali. La France aura réduit d'ici à six mois son contingent au Sahel à 3.000 hommes, contre plus de 5.000 il y a quelques semaines, dans le cadre d'une vaste réorganisation de son dispositif militaire, dévoile Laurent Michon, le commandant de l'opération anti-terroriste Barkhane, laquelle couvre cinq pays du Sahel, à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. La première phase, le désengagement de l'extrême nord malien (Tombouctou, Kidal, Tessalit), est en train de se terminer. La deuxième phase débutera au prochain semestre.