Ancien enseignant du Saint Coran, le citoyen Boudiaf Mohamed se dit, à 88 ans, prêt à reprendre du service pour peu que soient réunies les conditions minimales nécessaires à l'exercice de ce noble métier. Avec à son actif près de 70 ans passés dans l'enseignement du Coran, ce natif de la bourgade de Seriath, dans la commune de Tablat (Médéa), père de 8 enfants de surcroît, peut constituer un bel exemple pour les plus jeunes tant l'étendue de sa culture et sa volonté de toujours mieux faire semblent ne pas avoir changé d'un iota. "J'ai commencé à enseigner le Coran très tôt, à l'âge de 14 ans, soit une année après l'avoir appris en entier. Plus tard, j'ai assumé la fonction d'imam durant les prières des tarawihs", se remémore El Hadj Boudiaf, rencontré dans la très ancienne mosquée "Bensaâdoune", au cœur de la ville de Blida. A l'époque, affirme-t-il, lorsqu'un enfant voulait apprendre le Coran, notamment la personne venant de régions éloignées, une famille le prenait en charge pour le gîte et le couvert. Juste avant le déclenchement de la guerre de libération nationale, Boudiaf Mohamed enseignait à Béni S'biha, non loin de Blida. A l'avènement de la révolution, il ouvre sa zaouïa aux jeunes moudjahidine pour des réunions, sous couvert d'apprentissage du Coran. Ayant eu vent de cet état de fait, les autorités coloniales ne tarderont pas à le jeter en prison où il connaîtra, en plus, les affres de la torture. Son fils Ali raconte que son père "fut balancé du haut d'un pont, ce qui lui a valu au moins 9 mois d'hospitalisation à l'hôpital Faubourg mais sans pour autant l'empêcher de poursuivre, après sa convalescence, l'enseignement du Coran et la collaboration active avec les moudjahidine". S'agissant de ses relations avec l'association des Oulémas, l'enseignant les qualifie de "très étroites" et affirme avoir rencontré Cheikh Abdelhamid Ben Badis "à deux ou trois reprises". A l'indépendance, Boudiaf Mohamed s'adonnera "corps et âme" à l'enseignement du Coran, y compris dans des hangars que des bienfaiteurs mettaient à la disposition des apprenants lesquels mettent, en moyenne, 2 à 3 ans pour apprendre le Livre Saint sur le bout des doigts, signale-t-il. Au nombre des apprenants figuraient des fellahs, des ouvriers, des commerçants et tous "n'aspiraient pas à devenir un jour des imams", ajoute le cheikh tout en faisant savoir que beaucoup de jeunes élèves étaient envoyés au "Maâhad" (Institut des sciences de la religion) de Blida pour compléter l'enseignement qu'il leur aura dispensé. Mais lorsque ce dernier a été fermé pour devenir le lycée Omar-Ibn-El-Khattab, on a décidé d'envoyer les élèves vers la zaouïa de cheikh Sidi Mohamed Belkebir d'Adrar, et vers la zaouia de Sidi Okba, de Biskra. "A l'époque, tous ceux que j'avais formé étaient devenus des imams", se vante-t-il avec une fierté non dissimulée. Le vieil homme se souvient aussi qu'à chaque Ramadhan, les apprenants étaient répartis entre les différentes mosquées de la ville pour acquérir l'expérience et le métier nécessaires. Et peu avant l'Aïd el fitr, une quête leur était organisée pour leur permettre de s'offrir des habits neufs. Aujourd'hui, des décennies après, Boudiaf Mohamed, qui n'a à l'évidence aucun lien de parenté avec son illustre homonyme feu président Mohamed Boudiaf, dit vivre dans une certaine "précarité", ne disposant pas d'un revenu fixe et ne vivant que grâce aux aides et dons populaires. Heureusement que, encore bon pied bon œil, il se sent plus que jamais disposé à poursuivre son œuvre altruiste et désintéressée jusqu'à la fin de sa longue et utile existence.