Le programme d'animation des veillées du mois de Ramadhan, marqué à Constantine par une propension toute particulière pour la musique instrumentale, s'est révélé un franc succès, surtout avec la participation de Naseer Shamma, l'un des virtuoses arabes du luth ('oud) les plus en vogue. Il n'y a rien de surprenant jusque-là lorsqu'on connaît la réputation de ce sublime artiste. Toutefois, le luthiste irakien n'aura pas accaparé, à lui seul, la scène artistique sur le Vieux Rocher, durant ce mois sacré. Cela aurait été, en effet, sans compter avec la participation pour le moins "craquante" de l'algérien, enfant de Bousaâda, Mohamed Chemaissa, luthiste de l'orchestre national de variétés, violoniste par ''penchant''. En véritable touche à tout, l'artiste possède, de l'avis de nombreux musiciens, une vocation incontestée qui lui permet de maîtriser aussi bien des instruments à corde que des instruments à vent, voire même les percussions. Donnant lui-même l'impression d'être une véritable note de musique, le personnage a été découvert par le public en seconde partie du programme de la 2e soirée de "Layali El Azf" (Nuits de la musique du monde), lundi dernier en soirée. Il a tout simplement conquis une assistance qui croyait, après le passage du gracieux syrien Djwane Farhane, avoir fait le plein de surprises pour le reste du concert. Farhane, un des élève de Naseer Shamma, est lui-même une référence dans la pratique du Saz (instrument musical de la perse médiévale). Ce musicien " amoureux de Constantine" est un enseignant à la maison du luth du Caire (Egypte) et animateur d'ateliers dédiés à cet instrument, à Constantine, a exécuté un programme mariant des sonorités kurdes, turques et arabes, puisant dans une large panoplie de Makamet orientales. Vint enfin la ''crème'' des improvisations, avec l'interprétation d'un hommage au "rossignol'' du chaâbi, le défunt Kamel Messaoudi, tout en sonorités émouvantes émanant d'un Makam "Hidjez Hzine". Le public s'est incliné en silence devant cette marque d'amitié. Les planches du théâtre régional de Constantine (TRC) qui ont vibré de tous les sons, s'inclinant devant tant de génies, ont eu également -et surtout - à se délecter de ''l'assaut de l'enfant prodigue de Bousaâda'', Chemaissa, sous les notes endiablées nées d'un archet manié à la perfection. Epoustouflant, énigmatique, sensuel et explosif, frais comme de l'eau de rose (une spécialité bien constantinoise), l'artiste a subjugué un auditoire tout ouïe et admiratif. " Mohamed Chemeissa a rivalisé la tête haute avec le génie oriental", a déclaré à l'APS, le musicien Hassan Blikez, directeur du conservatoire de Constantine, président de l'Office communal de la promotion des activités culturelles, initiateur de ces soirées dédiées aux solistes. Doté d'une dextérité de jeu à couper le souffle, l'artiste s'est montré léger, profond, plein d'entrain. Depuis le "Le messager de la pluie", une lecture musicale de Abdelaziz Raghmoul, passant par le Makam Soufi dans son interprétation des "Makamet dignes de la ville", jusqu'aux " Canaris", l'oiseau sort de cage libérant l'artiste d'un coup. Jouant de tout et puisant dans la complexité des combinaisons musicales, Chemaissa voltigeait entre les longs ''tout'', tantôt vivaces, graves ou encore aigus, l'artiste disposait des cordes de son violon à volonté, exécutant même "l'arpège de l'archet" (un jeu technique extrêmement complexe utilisé par les grands maîtres classiques). En véritable académicien, "notre" artiste autodidacte, pour qui "l'apprentissage de la musique est un don du ciel et un appel irrésistible de la nature", comme il l'a confié à L'APS, a brillé de mille feux, éblouissant son auditoire et suscitant les clameurs d'un public en adoration devant tant d'ensorcellement. Mohamed Chemaissa qui a signé d'une épigraphe en or "Layali El Azf" de Constantine, est un nom à retenir, même si en quittant le récital , le public ne croyait pas encore à l'existence de ce miracle vivant sorti tout droit de la ville du mirage de Nasreddine Etienne Dinet qui, l'espace d'un concert, a tenu la dragée haute à la concurrence orientale.