«Si Paganini est le diable du violon en Italie, Shamma est l'ange du luth», dit de lui le musicologue Mechkel... Le célèbre luthiste irakien a achevé dans la liesse sa tournée algérienne, mercredi soir à la salle El Mougar. L'artiste aura droit à une standing ovation bien nourrie dès son entrée sur scène. Après un discours fleuve et cahoteux, débité par la présentatrice et bouquet de fleurs offert gracieusement à Naseer Shamma - il ne sera pas le dernier - le concert pouvait commencer. Dès lors, la salle plonge dans l'obscurité et dans le silence faisant face au luthiste noyé dans un halo de lumière, tantôt rouge, tantôt blanc. Héritier du grand instrumentiste Ziriab, qui a inventé plusieurs techniques de jeu dont la musique andalouse et le malouf, Naseer Shamma nous en fera découvrir quelques-unes, notamment la méthode du oud pour une seule main ou encore celle avec cinq doigts ouverts et sans «richa». Aussi loin que puisse remonter la civilisation de l'Irak, Naseer Shamma en puisera les plus belles mélodies qui «parlent à l'âme». Ceci est d'ailleurs l'objectif qu'il vise grâce à son compagnon, le luth. Rappelons que la méthode du oud pour une seule main, Naseer Shamma l'a créée à l'endroit des enfants mutilés de guerre. Doué d'une grande sensibilité et générosité, Naseer Shamma dédiera un morceau aux mères palestiniennes à l'occasion de la Fête des mères et aux gens qui souffrent dans le monde. fier et un tantinet rebelle, un rien cynique, Naseer Shamma épinglera le système américain par l'absurde en disant : «Merci aux Etats-Unis» pour leur geste de libération. Il n'omettra pas d'évoquer dans un sursaut de rébellion tous les enfants morts et calcinés et dont les mamans ne peuvent même plus les identifier et ce, qu'il soit chez le peuple palestinien ou kurde. Actualité brûlante oblige, l'attaque ou plutôt le coup de gueule contre Israël et les Etats-Unis n'a pas tardé à venir au sein du public ou un «mort aux Etat-Unis» s'est fait bien entendre dans la salle. Bénéficiant tout de même d'un silence respectueux - perturbation des portables mise à part - Naseer Shamma a gratifié le public d'un répertoir musical très harmonieux et relaxant faisant montre d'une agilité et d'une virtuosité remarquable. Mémoires, Enfance, Une histoire d'amour orientale, Nuit de Bagdad, Splendeur, sont autant de morceaux chargés d'histoires que le musicien s'emploiera à raconter en mots puis en notes avec grâce et émotion. Dans Amour des oiseaux à titre d'exemple, l'artiste s'évertuera à incarner avec les cordes du luth le chant des oiseaux à notre grand étonnement, preuve s'il en est, que le oud que Naseer Shamma a révélé à la face du monde n'a pas confié tous ses secrets... Présente au concert, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, dira à Shamma : «Tu es chez toi et tu es notre Irakien et nous sommes tes Irakiens. Merci !» Après avoir réalisé l'un de ses grands projets, l'ouverture au Caire d'un Centre arabe de oud, Naseer Shamma compte ouvrir en Algérie sa première annexe en collaboration avec l'école Meya, pour la formation d'instrumentistes musiciens. Tant qu'il y aura des hommes...