Ce que Marcel Khalifa a chanté à l'époque sur des paroles du poète palestinien, Mohamed Darouiche, Shamma l'exprime avec son luth. C'est le second séjour de l'artiste irakien, Naceer Shemma, à Constantine en l'espace de six mois. La première fois, c'était au début de l'été dernier quand il était venu animer un récital au théâtre régional. Le public constantinois avait pu découvrir un virtuose du luth, dans la pure tradition irakienne et la lignée du grand luthiste Bachir Moreni. Le concert était tout simplement fabuleux et le public constantinois avait été conquis par l'artiste et tout l'amour qu'il porte à son pays meurtri, l'Irak. Pour ce deuxième voyage à Constantine, l'artiste irakien a été convié à marquer de sa présence les festivités commémorant le 50e anniversaire de la guerre de Libération nationale. Dans la conférence de presse qu'il a tenue la veille à l'hôtel Cirta, il a déclaré sans snobisme ni protocole: «Je suis venu chanter pour les chouhada de l'Algérie, de l'Irak et de la Palestine, pour les moudjahidine algériens qui ont réussi à marquer l'histoire» et envers lesquels il «exprime un grand respect». Il a estimé, en outre, qu'il était directement concerné par ce 50e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale. «En Algérie, c'est comme si je suis en Irak», a-t-il déclaré. S'adressant aux nombreux journalistes qui étaient venus couvrir sa conférence de presse, Naceer Shamma a souligné avec une grande humilité et des mots très simples, qu'à travers sa musique d'une grande sensibilité, il faut le dire et le redire, il veut tout simplement transmettre un message de paix en dénonçant les crimes commis contre les peuples arabes, notamment en Irak et en Palestine. «J'ai été profondément touché lorsque le musée de Bagdad qui renferme une civilisation millénaire, a été bombardé par les Américains», a-t-il dit avant de préciser que selon lui, la civilisation «high-tech US qui n'a que deux siècles a atteint un tel degré de cynisme qu'il fallait détruire une civilisation (irakienne) qui plonge ses racines dans les profondeurs des siècles et des temps». Sur sa musique, aérée et limpide, il n'avait pas besoin de parler beaucoup. Le récital qu'il a donné dans la soirée du mardi au Théâtre a été une belle démonstration de génie et de créativité, digne d'un des descendants du célèbre Ibrahim El Mossili (de la ville irakienne Mossoul). Sans exagérer, on peut dire que Naceer Shamma a innové en opérant un changement dans la structure musicale du luth. Résultat: les notes et le son devenus plus universels. Musicien engagé, Naceer Shamma l'est à plus d'un titre. Ce que Marcel Khalifa a chanté à l'époque sur des paroles du poète palestinien, Mohamed Darouiche, Shamma l'exprime avec son luth. Un luth qui rime avec lutte. Un dernier mot, l'artiste irakien a estimé que les musiques algérienne et irakienne se ressemblent beaucoup, car elles puisent des mêmes profondeurs culturelles. Au sujet de l'ouverture de Beyt El Oud el Arabi à Constantine, il a estimé que cette école permettra aux jeunes mélomanes algériens d'accéder à la maîtrise du luth arabe.