Apulée de Madaure, un fils de l'Algérie, célèbre dans le monde entier, présent dans des centaines d'ouvrages historiques et d'encyclopédies reste encore bien peu connu dans son pays, voire dans la région de M'daourouch (Souk Ahras) qui l'a vu naître. Cet érudit berbère qui a vécu à l'époque romaine, plus précisément au 2e siècle après Jésus-Christ, est considéré par les historiens de la littérature comme le premier romancier au monde. "L'Ane d'or ou les Métamorphoses", un récit en 11 tomes écrit par Apulée, est cité en effet comme le premier livre roman d'Afrique et même du monde, suscitant du même coup une grande fierté chez les intellectuels algériens et maghrébins. Contrairement à ce qui peut être observé aujourd'hui, cet érudit, algérien par la force de l'Histoire, a été, de son vivant, glorifié et célébré, partout où il est passé et où il a vécu. La ville archéologique de Madaure, sa terre natale, garde encore aujourd'hui de nombreuses traces de cette renommée. Des vestiges de stèles, de statues et d'autres monuments érigés en son honneur sont, en effet, toujours visibles au musée de Madaure et sur le site archéologique environnant, situé à une quarantaine de kilomètres de Souk Ahras. Un génie hors du commun S'il est aujourd'hui quelque peu supplanté par Saint-Augustin, du point de vue de la renommée dont jouissent les personnalités d'origine berbère de l'époque romaine, Apulée de Madaure était certainement "premier" à son époque que les historiens situent entre 125 et 170 après J-C. Issu d'une famille de notables, son père était premier dignitaire de Madaure, Apulée fit preuve, très tôt, d'une grande intelligence, voire d'un génie hors du commun, selon les biographies disponibles. Madaure sa ville natale, connue pourtant à son époque pour être un grand centre de rayonnement culturel, ne lui suffisait point pour étancher sa soif de connaissance. Il alla poursuivre ses études à Carthage, à Rome, puis à Athènes où il étudia la philosophie, science pour laquelle il est devenu une référence en matière de philosophie platonicienne. Esprit brillant et curieux de tout, il était érudit dans un grand nombre de domaines, à la fois philosophe, poète, médecin, avocat, traducteur, mathématicien, astronome en plus d'être un grand voyageur. Outre son érudition, il était aussi connu pour ses grandes qualités humaines qui lui ont valu d'atteindre, dès l'âge de la trentaine, le firmament de la gloire. Il a ainsi dépensé la grande fortune héritée de son père dans la construction d'écoles et d'universités, tout comme il a tenu à partager son savoir en s'érigeant en conférencier itinérant. C'est également par amour pour ses semblables qu'il a écrit le récit qui lui valut, bien plus que tous ses autres travaux, la postérité : ''L'Ane d'or ou les Métamorphoses''. Une ''muse'' pour les auteurs contemporains S'apercevant que les leçons que l'on peut prodiguer "passent" bien mieux à travers des récits et des histoires, il décida d'écrire ce récit dans lequel il narre les mésaventures du jeune Lucius de Corinthe, transformé en âne pour avoir essayé de pénétrer les secrets de la magie et qui doit subir nombre d'épreuves pour recouvrer sa forme humaine. Aujourd'hui les lectures faites de ce roman qui aurait, dit-on, inspiré de nombreux auteurs contemporains de fiction, sont aussi riches que diverses. Certains y voient un tableau vivant de la vie que l'on menait au 2e siècle, d'autres y lisent en filigrane un procès du colonialisme romain, mais les commentaires à son propos sont toujours plein d'éloges à l'instar de celui d'Assia Djebbar qui le qualifie de ''chef d'œuvre qui ruissèle, 18 siècles après, de jeunesse, de hardiesse et d'une drôlerie imaginative étonnante". La romancière algérienne qui le considère comme le premier roman de la littérature algérienne, n'est pas la seule à être séduite par la découverte de cette œuvre des origines. L'écrivain Abou Laïd Doudou (1934-2004) lui a consacré une belle traduction, tandis que la bibliothèque nationale du Hamma (Alger) a institué en 2004, sous la houlette de l'écrivain Amine Zaoui qui en était à l'époque le directeur, un prix Apulée pour les productions littéraires de fiction en arabe, français et Tamazight. Ces quelques tentatives heureuses demeurent néanmoins insuffisantes de l'avis de ceux qui s'impatientent de voir tout le patrimoine national dans ses divers domaines, formes et strates, réhabilité et mis en valeur comme il se doit, comme il le mérite.