Le Médiator, un médicament pour diabétiques en surpoids et interdit depuis novembre 2009, aurait fait en 33 ans quelque 500 morts, a déclaré mardi l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), dans un communiqué, citant une estimation de la Caisse d'assurance maladie (CNAM). Une première étude de la CNAM, en novembre 2009, avait mis en évidence les graves risques que faisait courir le Médiator. L'Afssaps avait demandé alors une autre étude à la CNAM pour essayer d'apprécier le nombre de personnes qui auraient pu mourir du fait de ce médicament. Le médicament a été retiré la même année du marché en France par les autorités sanitaires au motif "qu'il avait une efficacité modeste dans le traitement du diabète" et provoquait un "risque d'atteinte des valves cardiaques". Fabriqué par le laboratoire français Servier, il a commencé à être commercialisé en France en 1976. Deux millions de personnes en ont pris. Il a aussi été vendu à des personnes, en majorité des femmes, qui voulaient perdre du poids, car cette molécule avait aussi des effets "coupe-faim". Les 500 décès constatés ont été provoqués suite à des valvulopathies, c'est-à-dire des atteintes cardiaques graves, provoquées par ce médicament. "Il s'agit d'une estimation populationnelle, c'est-à-dire d'une évaluation", a précisé Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l'Afssaps. D'autres experts ont jugé, cependant, que l'estimation était "à minima" parce qu'elle ne prend en compte que "le risque pendant quelques années après le début de l'utilisation". 3.500 personnes ont, en outre, été hospitalisées, selon Mme Bartoli, qui a précisé que "80% des complications se produisent dans les deux années qui suivent l'arrêt du traitement". La question qui se pose aujourd'hui aux autorités de santé est de savoir si elles doivent rappeler nommément, en leur écrivant personnellement, des patients qui ont pris du Mediator et qui pourraient développer des valvulopathies. Selon le député PS Gérard Bapt, cardiologue de formation, et rapporteur spécial de la mission "santé" de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, le ministère de la Santé doit rappeler les patients qui ont pris du Mediator. "Les autorités de santé n'ont que trop tardé sur ce dossier, en ne se décidant pas assez vite. Il s'agit d'une très grave affaire de santé publique", a-t-il dit. Une mission va être confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour développer les études post-autorisation de mise sur le marché (AMM), c'est-à-dire suivant l'autorisation de vente du médicament, indiqué, pour sa part, le ministre du Travail et de la Santé, Xavier Bertrand, dans une conférence de presse. L'IGAS devra "nous faire un rapport d'étape avant le 1er janvier 2011", a expliqué le ministre, précisant que l'inspection devra présenter des recommandations "sur les moyens de développer les études post-AMM" afin d'"avoir le repérage le plus précoce possible des complications rares mais sévères" générées par ce médicament, a-t-il ajouté. Le gouvernement s'est saisi mardi du dossier de Mediator. Cette affaire risquerait de déboucher sur un autre scandale comparable à celui de 1991, lorsque la presse française publiait un rapport prouvant que le Centre national de transfusion sanguine avait sciemment distribué, en 1985, des produits sanguins contaminés.