Le théâtre algérien est en deuil après le décès de la diva des planches et du cinéma algérien qui aura incarné dans le film « Le vent des Aurès » en 1966, un rôle qui lui allait sur mesure tant elle l'avait interprété avec un talent majestueux la figure de la résistance algérienne pendant les années de guerre. De son vrai nom Aicha Adjouri, elle est née le 4 Avril 1916 dans la ville des Roses à Blida. C'est par sa rencontre avec un nom prestigieux du théâtre algérien, Mahieddine Bachtarzi que se révèle sa passion des tréteaux. Son don pour une interprétation magistrale de la figure de la femme algérienne se révèle dès sa prime jeunesse . Elle débute toutefois officiellement sa carrière artistique à la fin des années 30 lorsque des cinéastes découvrent sa stature imparable de comédienne affirmée en Europe. On lui propose alors des rôles à la mesure de son talent et de sa passion pour la scène où elle confirme sa renommée internationale, mais c'est pourtant, et à l'instar de tous les artistes comédiens algériens de l'époque, vers L'Algérie que son regard se tourne. A l'appel du Front de Libération Nationale (FLN) ,elle répondra présente en cessant ses activités culturelles . En 1963, après l'indépendance elle rejoint la troupe nationale du théâtre algérien et s'illustre en travaillant aux cotés de grands noms tels que Mustapha Kateb, Rouiched, Allal Mouhib, Hadj Omar, Nouria, Agoumi, Alloula et tant d'autres.. Elle interprétera plus de 70 pièces et jouera dans vingtaine de films entre autres rôles importants celui qu'elle incarne dans « Hassen Terro ». Elle prend sa retraite en 1989 mais revient jouer en 1991 sur le s planches à l'instigation de son ami feu Rouiched qui la convaincra de revenir dans la pièce «Les concierges » une dernière fois .En 2010, l'association Lumières du cinéaste Amar Laskri lui rend un hommage appuyé. Le corps de la défunte a été exposé hier au TNA pour un ultime hommage. Keltoum qui est partie sur la pointe des pieds mais qui se sera investie corps et âme dans sa carrière au point de devenir dans la sphère théâtrale et cinématographique une référence incontournable a été enterrée hier dans l'après-midi au cimetière d'El Alia. La doyenne des artistes algérienne n'est plus. Elle restera pourtant l'une des première femme qui s'est hissée au rang des plus talentueuses des actrices algériennes laissant une marque indélébile et une singulière empreinte d'artiste qui a su imprimer une dynamique culturelle qui façonnera l'image du théâtre algérien qui à l'époque où elle débute n'est représenté que par des hommes, elle imposera une présence féminine catalysatrice au sein de la corporation théâtrale, communiquant aux autres comédiens sa verve artistique et tout son engouement pour le 4e art. Avec sa parfaite élocution et sa maitrise de l'arabe dialectal et son profil de comédienne émérite, elle saura donner une image internationale au théâtre algérien et ce, pendant les soixante années où elle exercera son métier avec une rare passion. Pendant la lutte de Libération nationale, elle incarnera sur la scène la figure émancipatrice d'une Algérie qui se bat contre le colonialisme français. Par la suite, elle exprime une énergie vitale dans des rôles qui lui conviennent parfaitement jonglant parallèlement avec des rôles de composition. Ainsi elle campera le personnage de Desdémone dans « Othello » de William Shakespeare dans la version arabe de Ahmed Tewfik El Madani (1952).Sa collaboration avec la première femme metteur en scène, Fawsia Ait El Hadj dans la pièce d'arthur Miller «La mort d'un commis voyageur» est le fruit d'une rencontre dans les années 80 de deux voix féminines au carrefour de deux génération d'artistes qui se seront transmises par-delà l'amour des mots une intensité dramatique qui avait ouvert de nouvelles perspectives à l'espace culturel algérien . N. D. ————————- Keltoum, la grande Dame... Keltoum, la légende Atmosphère lourde et pesante hier au Théâtre national algérien, Mahieddine Bachtarzi lors de la cérémonie de recueillement en hommage à Keltoum, la grande Dame de la sphère culturelle algérienne, décédée à l'âge de 94 ans, jeudi, en présence de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, des membres de la famille artistique, des admirateurs et des proches de la comédienne. La tristesse et l'émotion provoquées par la perte de cette grande comédienne se lisaient dans les visages de toutes ceux qui ont tenu à rendre un dernier hommage à la doyenne des comédiennes algériennes, en dépit pour certains de la maladie et du poids de l'âge, à l'image de Noria et de Sid Ali Kouiret, qui arrivaient difficilement à contenir leur douleur. Nadjet, personnage incontournable de l'ONCI était elle, inconsolable. Nadjet était au chevet de Keltoum durant des mois. « Elle était lucide jusqu'à son dernier souffle », nous confie-t-elle. « On parlait de tout, de la vie mais Keltoum me parlait souvent de sa carrière artistique, elle se lassait pas de me raconter son parcours.», ajoutera Nadjet. Ah si l'on pouvait dérouler le film de la vie et du parcours artistique de Keltoum au grand public et surtout à la nouvelle génération, nombreux seront ceux qui saisiraient davantage l'exceptionnelle vie de cette grande Dame de la culture algérienne. Sa vie est un véritable roman et son personnage digne d'un grand film tant effectivement son parcours n'a rien de commun et reste édifiant à la fois... Elle avait à peine treize ans lorsqu'elle est fascinée par le monde artistique. Elle était encore toute jeune lorsqu'elle s'essayait au chant et à la danse et l'histoire dit que découverte par Mahieddine Bachtarzi, Keltoum bravera tous les interdits pour se consacrer à sa passion. Pour ce faire, il fallait pratiquement voler des moments, organiser des fugues, inventer à chaque fois des prétextes pour justifier ses sorties du domicile familiale avec bien sûr l'aide et la complicité de son découvreur, Bachtarzi. Elle avait du talent pour la comédie, la danse et une voix pour la chanson. C'était pour ainsi dire une perle rare. Elle aura été la première à emprunter les chemins sinueux mais exaltant de l'art. Evoquer aujourd'hui ce parcours singulier semble évident mais lorsque l'on s'avise à l'intégrer dans le contexte des années trente, on mesure mieux, son côté exceptionnel. Keltoum ouvrira la voie aux autres artistes femmes algériennes mais il fallait quand même attendre plusieurs années pour voir enfin de nouvelles figures entrer dans la sphère artistique algérienne. Faut-il rappeler que faute de comédiens, des rôles de femmes étaient assumés par des comédiens à cette époque. Keltoum a été la pionnière. A ce titre, déjà son nom sera lié à jamais à l'histoire du cinéma, du théâtre et du music hall algériens. S'il fallait donner une seule œuvre qui illustrerait parfaitement le talent de Keltoum, c'est incontestablement le film « le vent des Aurès » que l'on citerait. Elle crève l'écran selon, la formule consacrée. Keltoum a donné à cette œuvre de Mohamed Lakhdar Hamina, au réalisme certain, une crédibilité saisissante. Tout est dans son jeu, dans l'expression de son visage, dans ce rôle de mère courage allant à la quête de son fils emprisonné par l'armée française dans un camp. Mais il sera réducteur de limiter la carrière de Keltoum au rôle qu'elle a campé dans ce film, ni par ailleurs dans de nombreuses autres productions cinématographiques qui l'ont malheureusement confiné à l'éternel personnage de mère. Keltoum est une étoile qui a illuminé le music hall algérien avec ses talents de comédienne, de chanteuse et de danseuses mais aussi d'organisatrice de spectacles du temps où elle gérait du côté de Padovani, un lieu de spectacle où elle faisait venir les stars tunisiennes et égyptiennes. Keltoum, infatigable, sillonnait le territoire national avec la troupe de Mahieddine Bachtarzi, assumant la partie théâtrale et la partie musicale. Les critiques de l'époque ne manquaient pas de rappeler à chaque fois, son talent de comédienne et de chanteuse. Keltoum, la légende, Keltoum, la grande Dame, s'en est allée. Keltoum, l'étoile, brillera encore et encore dans le ciel du monde de la culture algérienne. Abdelkrim Tazaroute ————————- Condoléances de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture J'ai appris avec une profonde affliction et une immense tristesse le décès de la doyenne des comédiennes algériennes, l'immense Keltoum, de son vrai nom Aïcha Adjouri, qui vient de s'éteindre à l'âge de 94 ans. Cette grande artiste, à la très riche carrière, demeurera une figure emblématique du théâtre et du cinéma algériens auxquels elle a dédié sa vie. Sa discrétion, son humilité, sa grandeur de cœur et d'esprit ont fait d'elle une comédienne aimée et respectée par ses pairs ainsi que par tous les metteurs en scène et les réalisateurs qui l'ont côtoyée. Je m'incline avec respect et reconnaissance devant la mémoire de la défunte et partage avec ses proches, la grande famille du théâtre et du cinéma algériens, son public et ses amis, la douleur de sa disparition. Que Dieu accorde à Keltoum Sa Sainte Miséricorde et l'accueille en Son Vaste Paradis. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.