Figure n Keltoum, comédienne et actrice, doyenne des artistes femmes en Algérie, s'est éteinte, hier, à l'âge de 94 ans. Elle a été inhumée au cimetière d'El-Alia. Keltoum demeurera vivante dans notre mémoire, car elle a contribué à façonner le théâtre comme le cinéma algérien et à donner à chacun un nom, parmi tant d'autres l'ayant marquée à jamais. Elle demeurera, pour les générations de comédiennes, une référence manifeste, notamment lorsque nous évoquons l'apport de la femme algérienne dans l'espace culturel. Très tôt, et aiguillée par une extraordinaire inclination artistique spontanée, Keltoum, de son vrai nom Adjouri Aîcha, née le 4 février 1916 à Blida, s'était pleinement investie à l'art des planches comme au cinéma. Par son talent, sa présence sur les planches ou encore son charisme à l'écran, elle avait su s'imposer, d'abord, en tant que comédienne et, plus tard, comme actrice et ce, sans aucune formation réelle au préalable. Son personnage devenait, au fil des rôles, incontournable, emblématique, voire mythique. Keltoum, qui se considérait comme étant la première femme comédienne à avoir investi les planches dominées, à l'époque, par des actions masculines, devenait alors une référence, une comédienne émérite. Dès les années 1930, Keltoum allait rejoindre la troupe de Mahieddine Bachtarzi ; et à partir de là, Keltoum, aussi bien par son tempérament que par sa personnalité, a réussi à hisser le personnage féminin sur la scène, à élever sa voix de femme et à se faire entendre par le grand public. Sur scène, c'était une prise de parole, celle d'une femme d'Algérie qui, à l'époque coloniale, était perçue comme «une nouvelle initiative dans la voie émancipatrice de la communauté algérienne face à l'adversité coloniale». L'on assistait effectivement avec Keltoum à l'émancipation de la femme algérienne et ce, par le biais de l'expression théâtrale. Le théâtre algérien prenait «un nouvel essor grâce à cette participation féminine de Keltoum». Keltoum, qui a débuté officiellement sa carrière artistique dans les années 30, avait su attirer l'attention des cinéastes européens qui lui avaient proposé des rôles importants, consacrant ainsi son statut de comédienne internationale. Avec le déclenchement de la Guerre de Libération nationale en novembre 1954, elle répond comme tous les artistes algériens, à l'appel du Front de libération nationale (FLN), pour cesser toutes activités. A l'indépendance, Keltoum poursuit son aventure théâtrale : elle rejoint en 1963 la Troupe nationale du théâtre algérien où elle travaille avec d'illustres comédiens tels que Mustapha Kateb, Rouiched, Allal Mouhib, Hadj Omar, Nouria, Agoumi, Alloula et toute une pléiade d'artistes. Après le théâtre, elle entame une nouvelle aventure, celle du cinéma où elle a tenu des rôles importants comme dans ‘Le vent des Aurès' (1966), réalisé par Mohamed Lakhdar Hamina, ‘Hassan Tero' (1968) du même réalisateur, et tant d'autres longs métrages qui ont remporté un grand succès, comme ‘Les Spoliateurs' (1972) et ‘Les Déracinés' (1976) de Lamine Merbah, ‘Hassan Taxi' de Slim Riad (1982) et ‘Hassan Niya' de Ghaouti Bendedouche (1989). Outre le théâtre et le cinéma, Keltoum avait plus d'une corde à son arc : le chant et la danse. Ainsi, ayant campé des rôles dans plus de soixante-dix pièces de théâtre et plus d'une vingtaine de films, Keltoum s'était distinguée par un itinéraire artistique aussi bien riche que diversifié ; d'un rôle à l'autre, elle développait et affinait son jeu. Elle l'enrichissait, le rendait caractéristique, démonstratif. Sa carrière a été jalonnée de succès, d'expériences fructueuses, de rencontres et de partages constructifs. Elle se retire en 1989 mais en 1991 son ami feu Rouiched l'a convaincue de remonter sur les planches pour la dernière fois dans ‘Les Concierges'. Un hommage lui a été rendu début mars 2010 à Alger par l'association Lumières du cinéaste Amar Laskri. Keltoum était exceptionnelle. C'est une professionnelle, une talentueuse comédienne d'une grande sensibilité ; c'était une légende qui, disparue aujourd'hui, demeurera vivante à jamais dans la mémoire du théâtre et du cinéma algériens.