Samir Allam et Ali Idir « Je ne sais pas ce qu'il y a de disponible en Algérie. Tout manque. Si c'était le Yémen, je comprendrais. Mais l'Algérie a tout de même les moyens de soigner sa population ». Ce commentaire n'émane pas d'un opposant politique algérien. Il provient d'une responsable de la pharmacie de l'hôpital Saint‐Antoine à Paris, étonnée par le nombre grandissant de demandes d'achat de médicaments destinés à être envoyés en Algérie. Comme presque chaque jour depuis quelques mois, un Algérien s'est en effet présenté ce mardi 17 mai à la pharmacie de cet hôpital parisien, muni d'une ordonnance pour acheter le Herceptin, un anticancéreux actuellement introuvable en Algérie. Le Herceptin n'est pas vendu en pharmacie en France. Il est disponible uniquement dans les hôpitaux. « Mais nous ne pouvons pas le vendre. Nous recevons ce médicament en vrac que nous conditionnons ici pour ensuite l'administrer à nos patients. Pour les soins à domicile, le médicament est conditionné d'une manière particulière. Il doit rester au frais pendant le transport », explique la pharmacienne de Saint‐Antoine à son client algérien. « En plus, acheter ce type de médicament pour le transporter à l'étranger est illégal. Le gouvernement algérien doit pouvoir savoir quels médicaments entrent sur son territoire. Nous aurions aimé pouvoir vous aider mais c'est impossible », regrette‐t‐elle. Selon elle, tous les hôpitaux parisiens sont régulièrement sollicités par des Algériens. Le Herceptin en question est destiné à une patiente actuellement hospitalisée à l'hôpital d'Oran. Depuis maintenant plus d'un mois et demi, ce médicament est introuvable en Algérie. « Il y a un problème d'approvisionnement en médicaments. Ca ne concerne pas uniquement le Herceptin », explique un médecin du service oncologie du CHU d'Oran où la patiente n'a pas pris son médicament depuis maintenant un mois, selon ses proches. « Ils nous annoncent l'arrivée du Herceptin vers la mi‐juin. C'est un médicament très important. Le patient, quand il ne le prend pas, prend des risques importants », ajoute le médecin. Un flacon de Herceptin coûte près de 1000 euros. Mais « parfois des médicaments qui ne coûtent rien sont indisponibles », précise‐t‐il. Le Herceptin n'est pas le seul médicament introuvable actuellement dans les pharmacies algériennes. Des centaines d'autres manquent. Les pharmacies se vident petit à petit. Les malades et les pharmaciens ne comprennent plus rien à cette pénurie qui dure depuis maintenant de nombreux mois, sans qu'aucune solution ne soit trouvée malgré les promesses du ministre de la Santé. « Actuellement, plus de 800 médicaments seraient en rupture de stock », selon un pharmacien d'Alger. Les malades ne sont pas contents et le propriétaire de la pharmacie est furieux : « nos ventes ont baissé considérablement ces derniers mois ». Le pharmacien commence à lister les médicaments en rupture. Même les pilules de contraception sont introuvables. Alors que la pénurie de médicaments s'aggrave de jour en jour, le ministre de la Santé Djamel Ould Abbès continue de nier l'existence du problème. Pour le gouvernement, il n'y a aucune pénurie de médicaments. Les producteurs et les importateurs eux font profil bas. Aucun ne dénonce le manque de produits pharmaceutiques. Les organisations patronales, les syndicats et les associations gardent étrangement le silence. Le gouvernement veut à tout prix réduire la facture de l'importation de médicaments. Pour y parvenir, il semble prêt à sacrifier la santé des Algériens.