Les balcons de Ghouffi qui se dressent à la sortie de la commune de Ghassira (Batna), non loin des limites administratives de la wilaya de Biskra, retrouvent peu à peu leur statut de destination touristique avec le retour progressif des flux de touristes. Le site où se rejoignent les courants chauds du Sahara et l'air frais de la montagne, et où le sable doré enserre une verdure luxuriante, ressemble depuis quelque temps à une ruche pétillante où l'on rencontre de nombreux passionnés de la nature, venus de toute la région orientale du pays, et des touristes étrangers de plus en plus nombreux. Les maisons en terre et les Taqliath (greniers communautaires) de pierres, en plusieurs étages, perchés sur les flancs d'un tortueux ravin ressemblent à des sentinelles chargées de garder ces lieux dont l'architecture tranche nettement avec celle des constructions en parpaings et briques rouges du nouveau village de Ghassira, laissé à quelques encablures. Au fond de ces balcons, coule le mythique Ighzar Amellal (le cours blanc) qui alimente les denses palmeraies et vergers d'abricotiers, de grenadiers, d'oliviers, de vignes et bien d'autres arbres fruitiers. Son eau limpide tire sa source de la fonte des neiges des montagnes du Chelia. “Quiconque croyant avoir visité Ghouffi sans avoir trempé les pieds dans cette eau fraîche, a raté l'essentiel des sensations”, affirment les habitués du lieu. Du bas de ces gorges, le visiteur a l'impression de pénétrer dans un paradis infini et ne tarde pas à comprendre les raisons qui incitent une famille, à l'exemple des Tafsat, à y vivre, tournant le dos la vie moderne qui semble s'arrêter à l'entrée des balcons. Outre les 18 variétés de dattes de cette vallée, dont le célèbre Bouzerou, très apprécié pour la préparation de la “Tamina Ghassiria” connue, dit-on, jusqu'en Nouvelle-Calédonie, la région recèle une multiplicité de plantes aromatiques dont l'Asefsag dont les senteurs parfument toute la route menant vers Ghouffi. Le doyen des plasticiens auréssiens, Abdou Tamine, a longtemps personnifié la passion vouée à cette région en choisissant d'y vivre, après plusieurs périples à travers le monde, et d'y mourir précocement en 1973. Une tente auréssienne, des bijoux traditionnels à l'accueil des visiteurs La vie semble progressivement retrouver droit de cité à Ghouffi dont l'ancien toponyme en dialecte chaoui serait Atheflous qui signifie croissants et désignerait les méandres semi-circulaires de ce vaste canyon au fond duquel coule Ighzar Amellal. Sur les berges de ce cours, deux tentes ont été dressées pour servir aux visiteurs des plats traditionnels commandés à l'avance. Propriétaire d'une de ces tentes, Zeghdoud Hachani confirme le retour du dynamisme d'antan de la région, en expliquant avec enthousiasme que le nom Hitchelt que porte sa tente dressée en face du Taqliath Ath Mansour est celui d'une femme amazighe de la région, célèbre pour sa grande beauté. Cet artisan vend des poteries, des articles de tissage et des bijoux traditionnels ainsi que de vieilles photos tirées du livre “La femme chaouia de l'Aurès” écrit en 1929 par Mathéa Gaudry. En plus de sa contribution à la lutte de libération nationale, cette région, assure cet artisan, fut durant des temps lointains couverte par la mer. Il exhibe, comme preuve, de nombreux fossiles de coquilles de mollusques, d'étoiles de mer et d'autres animaux marins qu'il propose aussi à la vente aux visiteurs sidérés par ses paroles. Les pierres cristallisées de géode, que l'on trouve dans ce site, sont également très prisées par les touristes pour leurs formes singulières et leur brillance, affirme Zoubir qui assure que ces pierres sont le résultat des dépôts de métaux dont le zinc, le cuivre et le plomb durant les lointaines périodes géologiques. Les artisans occupant les locaux sur la RN 31 surplombant les gorges de Ghouffi assurent, de leur côté, que le dynamisme du site a revivifié l'artisanat traditionnel et a incité beaucoup d'artisanes à reprendre le tissage des vieux tapis en laine et en poil de chèvre, ainsi que le travail du bois et la poterie. L'ensemble des articles artisanaux est fort demandé par les touristes qui tombent sous le charme de la région et s'attachent à en conserver des souvenirs, affirme le président de l'association du tourisme et de l'artisanat de Kaf Laarousse, Mohamed Benmedour, alias Harouda, qui a la réputation d'être le doyen des guides touristiques de la région. L'émerveillement du visiteur de Ghouffi pourrait, pour qui le souhaite, se prolonger encore plus en pénétrant dans le massif auréssien via T'kout et Kimel pour rejoindre les majestueuses forêts du Chelia ou les localités pittoresques d'Inoughissen, d'Ichemoul et de Dechrat Ouled Moussa qui sont autant de hauts lieux de l'histoire de glorieuse Révolution nichés dans de vierges sanctuaires de verdure.