Si le rejet des substances nocives dans les eaux n'est pas l'œuvre des bijoutiers, qui en serai(en)t responsable(s)? O n a mis en évidence la présence de métaux lourds dans les eaux de la nappe phréatique de Batna. On soupçonne les bijoutiers de jeter leurs déchets dans les égouts », a déclaré le directeur de l'office national d'assainissement (ONA) Chekib Benderradji dans un entretien accordé à El Watan. En effet, non seulement la nappe souterraine serait contaminée par ces métaux lourds, mais aussi tout l'écosystème touché par l'écoulement des eaux contaminées. Il est question de mercure et de plomb, deux substances extrêmement toxiques, dont les effets sur l'organisme humain sont désastreux. Mohamed Lebchek, pharmacien, nous explique que le mercure affecte principalement les fonctions cérébrales et rénales et est soupçonné d'être lié à certains cancers. Le plomb, pour sa part, entre en réaction chimique avec le calcium présent dans l'eau et dans l'organisme, et cause, entre autres maladies, l'ostéoporose. Il affecte aussi particulièrement les enfants, «Il n'existe pas vraiment de seuil de tolérance au plomb pour les enfants qui ont un système nerveux en plein développement, et une absorption digestive 3 fois plus élevée que celle des adultes, ce qui les rend beaucoup plus vulnérables au plomb», a-t-il expliqué. On apprend auprès de Younes, un ex-propriétaire d'atelier de bijouterie, que l'utilisation du mercure se fait à une échelle industrielle, et ce, pour l'extraction du minerai, le mercure ayant avec l'or une affinité chimique naturelle et forme avec lui un amalgame malléable. Le mercure n'à aucune utilisation, légale soit-elle ou non, au contraire, ajoute notre interlocuteur, l'interaction du mercure avec l'or fait perdre aux artisans une quantité précieuse. «Nous utilisons le maximum d'or qu'on peut tirer du lingot. On récupère même la poudre d'or et on la fait fondre», se défend encore Younes. Si le rejet des substances nocives dans les eaux de Batna n'est pas l'œuvre des bijoutiers peu scrupuleux, qui serait alors en faute ? Charaf Eddine Sedrati, physicien spécialisé en physique du solide, nous explique que le mercure est présent dans la majorité des produits utilisés dans les usines de fabrication du textile et de tannerie, comme les colorants et les fixateurs, et la zone industrielle de Batna compte justement une usine de textiles et une autre spécialisée dans la tannerie. Pour rappel, les déchets des usines de la zone industrielle sont déversés dans un canal qui contourne la station d'épuration des eaux (STEP). L'industrie du chlore serait aussi concernée, car 60% des produits utilisés contiennent du mercure, apprend-on auprès de notre interlocuteur. Les hôpitaux et structures médicales disposant d'appareil à rayons X, sont aussi concernés. Le mercure est utilisé pour le développement de clichés radio; des déchets sont ainsi rejetés et ne peuvent être incinérés. Voilà du pain sur la planche pour la direction de l'environnement, qui devrait engager des enquêtes approfondies pour tirer au clair cette affaire et déterminer au besoin, la source de pollution. Nous sommes devant un sérieux problème de santé publique devant lequel il ne faut pas être laxiste.