A l'heure où la réflexion autour de la politique de l'environnement se penche sur les énergies renouvelables pour protéger la planète, à Batna on en est encore à la gestion des égouts. La direction de l'environnement, au lieu d'élaborer une stratégie capable de résorber les problèmes existants et de parer aux obstacles à venir, on préfère s'attarder sur des bilans d'actions sans réel impact et quelques promesses. Pourtant l'heure n'est ni à la sérénité ni au triomphalisme béat tant l'écosystème est menacé; il serait même trop tard en tenant compte des rejets industriels qui se déversent dans les eaux de la vallée d'El Maâdher et qui par-dessus tout sont exploitées par les agriculteurs. A-t-on mesuré les dangers que cela représente pour la population? Sait-on au moins que ces eaux ne contiennent pas seulement des déchets organiques mais également des métaux lourds réputés être cancérigènes ? A propos d'égouts L'unique station d'épuration des eaux usées destinée au traitement des rejets de la ville de Batna et de celle de la ville de Tazoult est à bout de force. Conçue pour 200 000 habitants au moment de sa réalisation, elle a atteint ses limites puisque aujourd'hui la population a doublé. Chekib Benderradji, directeur de la zone Batna au niveau de l'office national d'assainissement (ONA) tire la sonnette d'alarme: «La station n'arrive à traiter que 60% des rejets de la ville, les 40% restants se déversent tels quels en se mêlant aux rejets industriels qui eux contournent la station.» Les unités industrielles installées dans la zone doivent être toutes dotées de stations de prétraitement. Le sont-elles vraiment ? L'eau censée couler dans le caniveau qui traverse la zone est plutôt stagnante tant elle est saturée. A bien comprendre, mêmes les eaux traitées qui sont relâchées, font jonction à leur tour avec les rejets industriels. A ce train, la station tourne dans le vide. La meilleure manière de la rentabiliser, nous explique Chekib Benderradji, est d'exploiter les quantités d'eau traitées (19 875 m3 par jour) à des fins d'arrosage des espaces verts, des stades, la propreté de la ville et même pour les stations de lavage. D'ailleurs il ne comprend pas l'attitude de l'APC quant à son refus d'accepter la proposition: «Nous avons fait la proposition à l'APC de venir puiser de cette eau pour son utilisation, et avons même argumenté qu'elle est plus adéquate, puisqu'elle ne contient pas d'eau de javel, produit nocif pour les plantes.» Mais rien n'y fait, on préfère gaspiller l'eau potable. L'environnement est une question de civisme, se plaît-on à répéter, et à la longue on se limitera à ce constat et l'incivisme des habitants aura bon dos. Préserver la nappe phréatique Les institutions ne sont-elles pas dotées d'instruments de surveillance et de répression des contrevenants ? La police de l'environnement, la police des eaux les comités de quartiers et autres associations. Pour quelle raison toute cette armada n'arrive pas à minimiser les dégâts ? Les bijoutiers jettent leurs déchets dans les égouts, d'où la présence de métaux lourds. Les stations de lavage qui prolifèrent (presque 2 à 3 stations par quartier, lorsque ce n'est pas plus), pompant la nappe phréatique à longueur de journée et jetant leurs huiles de vidange dans les caniveaux. «En plus du fait qu'elles soient nocives, ces huiles ralentissent l'écoulement et se solidifient sous l'effet du froid pour former des bouchons qui obstruent les canalisations», nous explique Mohamed-Fawzi Benhalilou, directeur d'exploitation à l'ONA. Voilà un double crime commis par ces stations qui non seulement polluent, mais participent à assécher la nappe au moment où la stratégie mondiale s'attelle à parer à ce qui est qualifiée de «guerre de l'eau». Face à ces dérapages alarmants, la direction de l'environnement de Batna demeure effacée. L'affront essuyé la semaine passée par le directeur devant le wali à cause d'un rapport jugé léger n'est rien face aux dangers qui guettent la population. L'absence d'associations combatives dans ce domaine sensible complique davantage la situation.