Rabah Amir/tsa/ À vingt‐quatre heures de la visite, prévue demain dimanche, du Premier ministre malien Django Sissoko à Alger, la situation sur le terrain cahoteux des opérations met de facto Alger sur le pied de guerre, une dangereuse option dans une sous‐région présentée comme le “ventre mou” du continent noir. Appuyée par des troupes françaises – et africaines ? –, l'armée régulière malienne a lancé une contre‐offensive hier vendredi pour repousser les attaques des islamistes. Et ce n'est ni l'état d'urgence décrété par Bamako, ni ce qui est présenté comme la volonté pieuse des Occidentaux d'empêcher les islamistes d'installer un “Etat terroriste” au Mali qui va changer la donne dans un conflit que l'on savait internationalisé dès la désignation par l'instance onusienne de Romano Prodi en tant qu'envoyé spécial pour le Sahel. Au moment où une réunion justement consacrée à la sécurité au Sahel se tient à Ghadamès (Libye) en présence d'Abdelmalek Sellal et de ses homologues libyen et tunisien, quel sens donner à l'intervention franche et directe de la France dans le bourbier malien ? Alger, qui voit ce dangereux conflit – se jouant à huis clos à ses frontières méridionales ‐ lui échapper totalement ou presque, n'a pas été vraiment consulté. François Hollande, accueilli en grande pompe le 19 décembre en Algérie, n'a même pas pris son téléphone pour informer Abdelaziz Bouteflika. Seul Laurent Fabius a téléphoné hier à Mourad Medelci. Preuve qu'Alger et Paris ont des feuilles de route divergentes sur le règlement du conflit, le “temps suffisant” que pensait avoir la timorée diplomatie algérienne pour agir dans le sens d'une solution politique, sur la base d'un dialogue entre les protagonistes les plus influents de la crise malienne. Jeudi encore, des notables des tribus du nord du Mali étaient à Adrar (sud algérien) pour discuter avec des cheikhs notables de l'extrême‐sud algérien. Ces dernières semaines, l'Algérie, victime collatérale directe en cas d'embrasement du conflit, a fait un travail considérable en vue d'une solution négociée, en ralliant notamment à son point de vue le Burkina Faso et la Mauritanie. La venue à Alger en décembre dernier de représentants d'Ansar Dine et du MNLA, qui se sont mis d'accord (temporairement) pour retourner à la table des négociations avec le gouvernement de Bamako est également un pas encourageant. Aujourd'hui, il faut bien reconnaître que le forcing de Paris et de ses “amis” africains pour une intervention militaire met piteusement en échec les efforts déployés par Alger pour repousser le spectre d'une guerre totale à ses portes. L'Algérie apparaît désormais hors course dans ce conflit. Elle se voit ainsi entraîner contre son gré dans une aventure aux conséquences incommensurables sur toute la sous‐région du Sahel. Comment notre diplomatie n'avait‐elle pas vu venir une telle situation ? C'est d'autant plus inexplicable que la France avait déjà fait publiquement état de son intention d'aller vers une solution militaire « probable à un moment ou à un autre », selon Laurent Fabius. Avec le soutien non dissimulé de Washington, Londres et Berlin à l'option militaire de la France, quel marge de manœuvre reste‐t‐ il à Alger pour conjurer une situation désastreuse à ses frontières, les plus difficiles à contrôler, et ses retombées au triple plan militaro‐stratégique, sécuritaire et humain ?