Après le calme qui a précédé les émeutes de mardi dernier, des échauffourées ont repris dans la nuit de mercredi dans la ville de Berriane. Les affrontements ont eu lieu entre les gendarmes et un groupe de jeunes. Une vingtaine d'arrestations a été opérée avant que la situation ne soit maîtrisée. Des appels au rejet de la violence ont émané des deux communautés. Berriane (Ghardaïa). De notre envoyée spéciale Après une journée très calme, Berriane a vécu une tension particulière durant la nuit de mercredi à jeudi. Des jeunes, regroupés dans les quartiers avoisinant le siège de la daïra, ont tenté de « rallumer » les émeutes. L'intervention rapide des gendarmes, encore présents en force, a permis de rétablir l'ordre au bout de deux heures d'affrontements. Au moins une vingtaine de jeunes ont été arrêtés pour trouble à l'ordre public, parmi lesquels, certains, au moins quatre, nous dit-on, sont connus comme étant des meneurs. En fait, c'est grâce à la population que la situation a été maîtrisée. Elle a informé les gendarmes d'un regroupement anormal, dans une palmeraie non loin de la daïra et appelé les jeunes des quartiers mozabites et arabes de ne pas répondre aux provocations de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que les notables avancent dans leur projet d'accord de paix et de réconciliation entre les deux communautés. « Des maisons abandonnées par les familles continuaient à être pillées. Lorsque quelqu'un va pour s'enquérir de son bien, il est accueilli par des jets de pierres alors que les voleurs de cuivre agissent en toute impunité et en plein jour. Les services de l'ordre ont été informés et à chaque fois leur intervention arrive trop tard. Il y a des volontés délibérées qui ne veulent pas du retour au calme. Les évènements de mardi dernier et de mercredi soir ne sont pas fortuits »,déclare un notable mozabite. Les appréhensions de notre interlocuteur sont légitimes, surtout lorsque l'on sait que mardi dernier, lors des émeutes qui ont éclaté dans un quartier sur la route de Gourara, devait avoir lieu une réunion des huit factions mozabites pour un dernier round des négociations autour de la plate-forme, avant le grand rendez-vous, prévu initialement, jeudi dernier avec les huit autres factions arabes. Tout le monde ici, à Berriane, est convaincu que « des apprentis sorciers jouent aux pyromanes en mettant le feu aux poudres ». Même si les réunions ont été reportées, précise un notable de la communauté arabe, les deux parties refusent de faire marche arrière, sur leur plan de paix, qu'elles peaufinent depuis deux mois déjà. « Des apprentis sorciers jouent aux pyromanes » Les jeunes les plus récalcitrants à ce projet ont fini par l'accepter et ce sont eux qui, jeudi dernier, ont mené la campagne de sensibilisation pour empêcher le retour à la violence. « Nous avons retardé d'une semaine notre rendez-vous afin de permettre à cette réunion de se dérouler dans de bonnes conditions », indique notre interlocuteur. Il s'agit, selon lui, de s'entendre sur une plate-forme qui mettra chaque partie devant ses responsabilités pour que plus jamais de telles violences ne se reproduisent. Néanmoins, une première ébauche a été trouvée lors de la rencontre à Ouargla, le 19 juin dernier, lorsque les deux parties ont signé une déclaration dite de paix (bayan esilm), en présence des autorités de la région. Celle-ci a été le résultat des tractations et d'une médiation de notables de Ouargla. Cette déclaration était intitulée au début « déclaration de fraternité », puis de « solh » (réconciliation) avant que des changements ne soient apportés au cours des négociations. La communauté mozabite a opté pour une plateforme composée de 14 points, qui constituait pour elle un prélude à une charte de cohabitation. Il s'agit de la nécessité d'une prise en charge des sinistrés, de la garantie de la sécurité, du désarmement des civils, de l'engagement de ne jamais protéger les criminels quel que soit leur rang, du respect de la différence culturelle, du recours à des actions pacifiques pour résoudre les problèmes et éviter toute justice individuelle. Cette plateforme de principe n'a pas été limitée dans le temps et devait être mise en application dès sa signature par la partie malékite. Les malékites ont émis des réserves sur cette plateforme, ce qui a poussé les ibadites à accepter de revoir leur copie. Les tractations ont duré plusieurs heures, avant que les deux communautés ne trouvent un consensus sur une déclaration finale, n'engageant aucune partie, du fait que le principe de pacte ou de plateforme de réconciliation a été écarté. Cette déclaration, intitulée « déclaration pour la paix et la sécurité », fait état d'une condamnation unanime de la violence et du recours à la violence, tout en présentant les sincères condoléances aux familles des victimes. Les signataires se sont engagés à déployer tous leurs efforts à instaurer la paix et la sécurité, sans pour autant se référer au contenu de la plateforme présentée par les mozabites. Ils ont appelé les autorités à faire de même pour que la région de Berriane ne puisse plus vivre la tragédie d'il y a un mois. Néanmoins, ibadites et malékites se sont entendus pour poursuivre les négociations pour arriver à un accord final. De ce fait, de nombreuses réunions ont eu lieu d'abord entre les factions des communautés, puis entre celles-ci. Les dernières retouches à un accord définitif devaient être faites cette semaine, ou au plus tard, avant le mois d'août. Des sources proches des négociateurs ont fait état de véritables pressions pour faire avorter toute démarche de réconciliation. Ces pressions sont venues des deux côtés et même de l'administration locale, qui s'est sentie écartée du jeu des tractations. Ces mêmes empêcheurs de paix ont tenté de sévir cette semaine pour barrer la route à l'espoir de revivre en paix, auquel veut arriver Berriane. A-t-on conscience des conséquences de tels actes sur la région ?