Après la nouvelle vague de violence intercommunautaire qu'elle a vécue mercredi dernier, la ville de Berriane retrouve timidement son calme. Berriane (Ghardaïa). De notre envoyé spécial Un calme précaire, de l'avis de nombreux habitants de la région. « Je viens de recevoir des coups de pierres sur mon fourgon. Ils sont là, ils reprennent », crie un Mozabite, paniqué, à l'endroit de gendarmes regroupés devant la brigade de Berriane, avant de montrer du doigt l'une des vitres de son fourgon qui a volé en éclats. Deux vieilles dames étaient pétrifiées à l'intérieur du véhicule. Elles ne comprennent visiblement rien à ce qui leur arrive ! Vite, les gendarmes font un saut au lieu indiqué. Un officier nous annonce qu'il n'y a rien eu de grave. « Juste des provocations ! », lâche-t-il. La peur est apparente sur le visage de chacun des citoyens rencontrés sur place. « Il suffit d'un rien pour que les échauffourées reprennent », alerte un Mozabite qui regrette que tous les appels au calme et à l'apaisement n'aient pas eu bon entendeur. « Même les notables ne sont pas écoutés. On ne comprend plus rien à ce qui attise les tensions », ajoute-t-il, émettant le vœu que la ville reprenne rapidement sa vie normale et que les hostilités cessent entre les deux communautés (mozabite et les arabophones venus s'installer dans la région) qui ont pourtant su cohabiter durant les décennies passées. « On demande aux autorités d'intervenir de manière à mettre un terme à cette violence et à ramener une nouvelle fois la paix dans cette ville », lance un jeune qui se présente comme un Mozabite. Ce vœu est celui des deux communautés qui appellent les plus hautes autorités du pays à se pencher sérieusement sur les causes et effets de cette situation afin de trouver des solutions définitives. « Je veux que les violences cessent rapidement et que la lumière soit faite sur l'assassinat de mon frère », nous confie le jeune Lassakeur, frère cadet de la victime des événements du 19 mars dernier. Sur ce, un vieux Mozabite nous raconte avec lassitude l'incendie de sa papeterie, le saccage de sa maison tout en nous exhibant le haut de son crâne, tailladé de part en part. Les habitants de Berriane, du moins ceux que nous avons rencontrés, ont exprimé leur indignation quant à cette nouvelle escalade de violence qui ne servira, tiennent-ils à le préciser, aucunement la population locale. « A qui profite cette situation ? Qui est derrière ? », se demande un quinquagénaire qui insiste sur le fait que le l'Etat a le devoir de démasquer les coupables de cette « grave situation ». Une virée dans le quartier, théâtre des dernières violences, nous a renseignés sur l'ampleur des dégâts occasionnés tant aux commerces qu'aux demeures. Pas moins d'une dizaine de magasins complètement calcinés ont été recensés sur notre passage. A préciser que le présumé assassin de Lassakeur Ali a été arrêté, présenté à la justice et placé sous mandat de dépôt, dans l'attente des résultats de l'analyse balistique de son arme (un fusil de chasse), remise pour examen au laboratoire scientifique de la Sûreté nationale à Châteauneuf, à Alger. Par ailleurs, le procureur général de la cour de Ghardaïa nous a informés que 27 arrestations ont été opérées durant la nuit de vendredi pour attroupement illicite et jets de projectiles. Présentés devant le procureur de la République du tribunal de Berriane, 11 d'entre eux ont été placés sous mandat de dépôt, tandis que 12 autres vont comparaître en citation directe samedi prochain. Les quatre derniers ont été libérés, faute de preuves. La ville de Berriane est complètement quadrillée par les services de sécurité, tous corps confondus. Envoyés de Ouargla et de Biskra, des renforts de police et de gendarmerie antiémeutes ont pris position dans les quartiers chauds. Pour s'enquérir de la situation, le wali de Ghardaïa, entouré de son secrétaire général et quelques directeurs de l'exécutif, s'est déplacé dans la journée d'hier à Berriane et a fait le tour des quartiers touchés par les derniers événements.