Mustapha Bouchachi, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), plaide pour la révision du code de procédure pénale de sorte à protéger les citoyens de telles « dérives autoritaires et inhumaines ». Pour Me Ali Yahia Abdenour, Bouteflika veut dire, à travers son discours, qu'il ne partira pas sur un échec et que l'opposition n'a plus de place, puisque lui-même fait dans la critique. La situation des droits de l'homme empire. L'année dernière était meilleure que cette année. Et cette année ne sera que meilleure que celle à venir », tonne Mustapha Bouchachi, président de la LADDH, dans une conférence de presse animée hier à Alger, avec Ali Yahia Abdenour, président d'honneur, et d'autres membres de l'organisation. Comme premier exemple de piétinement des droits de l'homme en Algérie de 2008, M. Bouchachi cite la torture. « Il y a eu torture dans des prisons. Des citoyens ont également subi cette pratique dans des commissariats de police », dénonce-t-il, exprimant toute son indignation quant à l'attitude des gouvernants qui « ne font rien pour mettre un terme à cette pratique », disparue depuis de longues décennies dans les pays de paix et de démocratie. « Il n'y a jamais eu ouverture d'enquête sur ces exactions dénoncées par les victimes devant les juges en pleine audience », condamne-t-il, rappelant que l'appareil judiciaire, même s'il n'y a pas dépôt de plainte, doit impérativement, comme le prévoit la loi, ouvrir une enquête pour s'assurer de la véracité des paroles des victimes. M. Bouchachi dit avoir reçu une dizaine de cas de torture, dont une seule victime a pu déposer plainte. L'avocat et défenseur des droits de l'homme explique la raison ayant poussé les autres à ne pas intenter des procès contre les auteurs de « ces crimes contre le droit international et la Déclaration universelle des droits de l'homme ratifiée par l'Etat algérien ». « Souvent, ces victimes sont poursuivies pénalement et donc elles ont peur de représailles à travers leurs procès en cas de dépôt de plainte », souligne-t-il avec désolation, relatant un peu la frayeur et l'angoisse que vivent ces victimes. « une politique générale » M. Bouchachi refuse l'argumentaire officiel selon lequel ce sont des « actes isolés », attestant qu'il s'agit bien « d'une politique générale ». Pour mettre un terme à cette pratique « digne de l'âge des cavernes », M. Bouchachi plaide pour la révision du Code de procédure pénale de sorte à protéger les citoyens de telles « dérives autoritaires et inhumaines ». Poursuivant son constat alarmant de la situation des droits, M. Bouchachi revient sur « l'injustice flagrante que vivent les contractuels qui sont à leur 16e jour de grève de la faim ». « Ces grévistes ne demandent ni privilège, ni logement, ni aide, ils réclament simplement le poste de travail qu'ils ont occupé depuis plusieurs années », indique le conférencier, qui estime qu'« il est inconcevable d'employer un enseignant pendant quatre ans et de le jeter par la suite dehors en refusant de lui régulariser sa situation ». M. Bouchachi alerte ainsi l'opinion publique sur la gravité de la situation de ces grévistes qui refusent de renoncer à leur action « même si cela doit leur coûter la vie », invitant par là même le ministre de l'Education à reconsidérer la décision. « Comment peut-on recruter 100 000 policiers et refuser de régulariser 40 000 enseignants qui occupent depuis des années des postes et ont contribué superbement au bon résultat du bac dont le gouvernement se targue ? », clame-t-il. Le président de LADDH cite également un autre cas flagrant de l'absence totale d'un Etat de droit. Il s'agit d'un grave précédent qui en dit long sur la manière avec laquelle on gère le pays. Il s'agit du limogeage d'un magistrat de la Cour suprême suite à une mésentente avec le chef de l'Etat. L'affaire remonte à 2002. « la même situation qu'en 1978 » Le Conseil d'Etat, auprès duquel il a introduit un recours, l'a réhabilité dans ses droits et a approuvé sa réintégration de plein droit dans sa fonction. « Mais le ministère de la Justice a refusé d'appliquer cette décision et le magistrat est toujours radié », relève le conférencier. M. Bouchachi n'a pas manqué l'occasion pour évoquer la situation désastreuse des victimes des violences de Berriane, dans la wilaya de Ghardaïa, attestant que « le wali n'a rien fait pour les prendre en charge ». Selon lui, des familles se trouvent actuellement dans un état lamentable, entassées dans des salles de classe, à un mois seulement du Ramadhan. De son côté, Ali Yahia Abdenour n'a pas perdu sa lucidité et sa perspicacité dans la lecture de l'actualité nationale. Brossant un tableau noir de la situation des libertés et des droits de l'homme, le président d'honneur de la LADDH focalise son intervention sur le régime et plus particulièrement sur le dernier discours du chef de l'Etat. « Bouteflika veut dire à travers son discours d'autocritique, comme il l'a qualifié, qu'il ne partira pas sur un échec et restera pour redresser la situation, comme il dit que l'opposition n'a plus de place puisque lui-même adopte un discours critique », explique-t-il, ajoutant dans le même sillage que « le pays se trouve exactement dans la même situation qu'en 1978, avec un Président malade et une succession ouverte ». Pour Me Ali Yahia Abdenour, « les gouvernants ont semé le vent et récoltent la tempête ». Il considère que Bouteflika est à la fois « le produit et la négation de Boumediène ». Comment ? Selon lui, le chef de l'Etat aime, comme Boumediène, la concentration des pouvoirs. Mais en revanche, il prône sur le plan économique le libéralisme, contrairement au défunt Boumediène qui a œuvré pour le socialisme.