La ville a pris des couleurs. D'abord, celle de Noël. Rouge. Ensuite, celles des fêtes. Bleue, dorée, orange, verte. Des rubans flottent partout. Le traditionnel sapin décore les halls des aéroports, des hôtels, des restaurants, des cafés, des édifices publics. Les Germains célèbrent la Weihnachts (Noël) à leur manière. Le Bundestag, le Parlement, s'est vu offrir un sapin par une école. C'est une tradition. A Gendarmenmarkt, se tient le marché de Noël où, pour entrer, il faut payer. Et où sous les tentes blanches, ornées de guirlandes et d'étoiles, on vend confiseries, chocolat, bougies parfumées et jouets. Non loin de là, à Checkpoint Charlie, sur la Freidrich Strass, en plein cœur de Berlin, le célèbre point de passage frontalier, où les forces américaines et soviétiques se firent face, un joli sapin est dressé. Il porte, en guise de boules brillantes, des drapeaux de plusieurs pays. Celui d'Algérie est bien mis en valeur. Réconfortant ! Des touristes japonais, danois, français et italiens se bousculent pour prendre des photos à côté d'une petite cabine et d'un amas de sacs de sable. L'artiste Frank Thiel a dressé une pancarte, avec, de chaque côté, le portrait d'un GI et celui d'un soldat de l'Armée rouge. De temps à autre, des jeunes, vêtus des tenues militaires des armées britannique, française et américaine de l'époque, viennent poser, drapeau à la main, et « fixer » des moments aux côtés de touristes. Cela permet de gagner quelques euros. « You are leaving the american sector » (vous quittez le secteur américain) est un panneau d'une certaine époque. Il rappelle le souvenir d'une exclusive présence US jusqu'à 1962, date à laquelle Britanniques et Français sont venus s'installer à Checkpoint Charlie qui est situé à la limite entre les quartiers de Mitte (Berlin Est) et Kreuzberg (Berlin Ouest). Charlie, pour la petite histoire, était le sobriquet donné par l'armée américaine aux communistes. A partir du 25 août 1961, ce point de passage était réservé aux diplomates, militaires et étrangers jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989. L'artiste allemand Frank Thiel y a dressé une pancarte, avec, de chaque côté, le portrait d'un GI et celui d'un soldat de l'Armée rouge. Le poste de contrôle est exposé au musée des Alliés. En Allemagne, il existe 6000 musées. La ville de Munich, dans la Bavière, avait, dès la sortie du Moyen-Age, la réputation d'être un lieu incontournable des arts. La Haus am Check Point Charlie (la Maison de Checkpoint Charlie) est un autre musée situé dans le quartier. On y trouve de tout : de petits avions à la musique du Russe Mstislav Rostropovitch, célèbre chef d'orchestre, qui a rendu un grand hommage à la chute du mur de Berlin. Justement, des morceaux de ce mur, portant les stigmates d'une certaine révolte colorée, sont accrochés à l'entrée de magasins de souvenirs. Des morceaux sont jalousement sauvegardés dans la « East-Side-Gallery » (la galerie de la rive Est) dans la Mühlenstrasse, au Mémorial du mur de Berlin, monument en souvenir de la division de la ville, au centre de documentation du mur de Berlin, dont l'objectif est de rechercher les témoignages de l'histoire de ce rempart et à Chapelle de la réconciliation, qui a été elle-même divisée en Est et Ouest. Dans les boutiques de souvenirs où sont vendus des chapkas russes, des casques et tenues de l'Armée rouge, des miniatures des célèbres voitures Traban de l'ex-RDA... L'empire soviétique se revend en pièces ! Des deux côtés de la chaussée, sont plantées des croix dans du gravier blanc en souvenir des victimes du mur. Des jeunes, pour la plupart, tirés par les militaires comme des lapins au moment où ils voulaient regagner « l'Eden » de l'Ouest. On vient y déposer des bougies et des fleurs. En 28 ans, le mur a fait au moins 239 victimes. Certaines sont mortes noyées dans les eaux de la Sprée, le fleuve qui traverse le Müggelsee, le plus vaste lac berlinois. Les militaires est-allemands recevaient des décorations pour leur acte qualifié de « patriotique ». Le 9 novembre 2004, les Berlinois ont célébré le 15e anniversaire de la chute du « mur de la honte ». Le monde se rappelle des images de scènes de joie sur le mur. Signe de la fin du monde à deux blocs. Après la décision de Walter Ulbricht, président du Conseil en RDA, la construction du mur débute dans la nuit du 12 au 13 août 1961. Des soldats de la Volksarmee (armée nationale populaire de la RDA) arrachent des pavés et installent des pieux et des barricades. La circulation du métro est interrompue. Les Berlinois assistent bouleversés au spectacle. Willy Brandt, maire de Berlin à l'époque avant de devenir plus tard chancelier, dénonce « les mesures illégales et inhumaines prises par ceux qui divisent l'Allemagne ». Haut de quatre mètres, le mur s'étale sur 43 km. En 1989, la page est tournée, la guerre froide symboliquement finie. Aussi, le slogan « Go West ! » a perdu de sa saveur. Les « Ossis » (les gens de l'Est) sont devenus Berlinois comme les autres. Et « l'Ostalgie » alors ? « Ce mot n'existe pas », nous dit un jeune. Selon ce terme, inventé de toutes pièces, les Allemands de l'ex-RDA auraient de la nostalgie au « confort » du régime communiste et de l'Etat protecteur. « Nous avons plutôt de la nostalgie pour le cœur chaud », précise, avec un large sourire, un journaliste originaire de la défunte Allemagne démocratique. Selon un sondage de l'hebdomadaire Der Spiegel (le Miroir), 30% des citoyens de l'ex-RDA se sentent désavantagés et 60% pensent que cette situation devrait encore durer une décennie. La consolation ? La plupart des « Ossis » ne regrettent pas la réunification. Entre 1961 et 1983 - cela est souvent oublié - Berlin-Ouest s'est vidée de ses habitants. Plus de 340 000 personnes l'ont quittée pour aller à Cologne, Francfort, Dusseldorf, Kassel ou Hambourg. L'Etat fédéral a été obligé de faire appel aux immigrés. D'où l'arrivée massive des Turcs, Polognais et Yougoslaves. « La ville était devenue le bastion des jeunes artistes, des étudiants, chômeurs et tous ceux qui se soulevaient contre l'ordre établi », nous raconte un Berlinois. Grâce aux subventions de l'Etat, Berlin-Ouest était devenue la ville la moins chère d'Allemagne. L'Etat versait aux salaires la célèbre Berliner Zulag, une allocation supplémentaire pour encourager les gens à ne pas quitter la ville. Ceux qui ne voulaient pas faire le service militaires fuyaient vers Berlin pour en être dispensés. Tous ces éléments ont fait que Berlin soit devenue l'une des plaques tournantes de la culture alternative. En haut de la Friedrich Strasse en face de l'opéra de Berlin, la Neue Wache est l'un des mémorials les plus visités d'Allemagne. Elle est dédiée aux « victimes de la guerre et de la tyrannie ». Cette salle a été restaurée en 1993 et a repris les aspects sous la République de Weimar. A l'entrée, des textes, écrits en russe, français, danois, italien, anglais, turc et japonais, expliquent les raisons de la création du mémorial. A l'intérieur règne un silence glacial. Une immense salle. Une statue, représentant une mère serrant son enfant, trône au milieu. Au bas de la statue, des fleurs sont déposées.