Le pouf, ici comme au Maroc, c'est avant tout une affaire de tradition avant d'être une affaire juteuse en commerce. Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce, écrivait excellemment La Fontaine pour indiquer l'origine de la fable. De la même manière, mais d'une façon beaucoup moins poétique que le fabuliste français, nous pouvons affirmer en nous appuyant cette fois sur Alexandre Dumas, que le pouf est une invention arabe. Bouira : De notre bureau Ce siège si bas mais si confortable fait que les autres nations si éprises, d'habitude, de meubles de luxe et d'apparat, se sont mises à nous l'envier au point de faire douter de son origine. C'est que le pouf est si beau, si élégant, si confortable, qu'il ne dépare nullement dans les salons les plus huppés. D'ailleurs, le mot a une connotation onomatopéique, et on se demande, en le prononçant, s'il n'exprime pas, avant tout, un sentiment d'aise et de soulagement au moment de s'y laisser tomber, après une journée de dur labeur. Ouf ! a-t-on envie de crier au contact mœlleux de ce siège atypique. Confident de quelques heures ou de quelques minutes (cela dépend du temps qu'on veut lui consacrer), le pouf a le pouvoir magique de bercer nos fatigues, nos peines et nos ennuis. En cela, il occupe une place à part parmi les objets qui meublent un salon aux côtés des profonds et des plus luxueux fauteuils et des plus confortables des divans. Le jeune Sami qui, tout en se consacrant à son métier de vendeur dans une maroquinerie, trouve encore le temps de taquiner la muse, recommande, entre autres curiosités en cuir, le pouf, car selon lui, (il se réfère en cela à ses origines marocaines, côté maternel pour l'asséner avec force), ce coussin a la modestie de vous mettre au même niveau que la table basse pour manger. Ses nombreux voyages au pays auquel il tient par ses racines maternelles, lui ont permis d'observer l'usage fréquent que l'on en fait dans beaucoup de foyers marocains, non pas dans les salons uniquement, mais aussi dans les salles à manger. Cette dialectique commerciale enrobée d'un zeste de sociologie et même d'un peu de poésie a dû jouer à maintes reprises dans le succès de vente de ce produit d'ameublement et de décoration. Nous voilà entraînés derrière notre jeune vendeur dans les rues étroites et commerçantes de Rabat ou de Marakkech où la concurrence est âpre et où on trouve de tout, et surtout le pouf. Alors, le pouf, ici comme au Maroc, c'est avant tout une affaire de tradition avant d'être une affaire juteuse en commerce. Mais, comme le commerce s'est emparé de ce produit de luxe sous le couvert de perpétuer la tradition, cette dernière contribue en retour à faire sa prospérité. Dès lors, tout se tient au bonheur du client qui fait entrer une note d'exotisme dans sa vie de tous les jours grâce à cet élément d'ameublement, à l'artisan qui le produit et au commerçant qui l'écoule sur le marché en vantant son ancienneté. Le jeune Farid, qui à 22 ans, découvre une passion pour la fabrication du pouf, s'y adonne depuis près de deux ans. Comment ? Par l'observation. Comme le jeune homme est chômeur, sa curiosité exacerbée par le désœuvrement, le pousse à s'intéresser à tout. Un jour, en passant devant la boutique d'un commerçant de meubles, son regard tombe sur un pouf dont l'image se grave à jamais dans son esprit. Aidé par une imagination fertile, Farid fabrique depuis des poufs en variant à l'infini les formes et les couleurs.« J'ai vu ça chez un commerçant de meubles. J'ai acheté le produit et en rentrant chez moi, je l'ai démonté pièce par pièce puis je l'ai remonté. Et depuis, je fabrique des poufs que je vends », nous déclare-t-il. Farid tient un atelier aux anciennes galeries, à côté de celui de sa mère, une couturière.