Le monde assiste à la froide déterioration des rapports actuels entre les Etats-unis et la Russie, puisque les premiers ont solennellement signé, hier, avec la Pologne un accord prévoyant l'installation d'éléments du bouclier antimissile américain sur le sol polonais, et que les seconds font peu de cas des reproches, aussi timides, soient-ils de l'OTAN. En ce qui concerne le premier point, et en vertu du texte signé à Varsovie par la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice et son homologue polonais Radoslaw Sikorsk, les Etats-Unis vont ainsi pouvoir installer sur le sol polonais à l'horizon 2012, dix intercepteurs capables de détruire en vol d'éventuels missiles balistiques à longue portée. Ils seront couplés à un puissant radar implanté en République tchèque. Ces nouveaux éléments compléteront un système déjà en place aux Etats-Unis, au Groenland et au Royaume-Uni. Depuis des mois, le projet provoque de vives protestations de la Russie, qui affirme que le bouclier est dirigé contre elle. De leur côté, les dirigeants russes sont « proches » de prendre une décision sur l'annexion de l'Ossétie du Sud à la Fédération de Russie, a estimé mardi dernier, un membre du Conseil de Fédération (chambre haute du Parlement russe), Vassili Likhatchev. « Les dirigeants russes sont proches de prendre cette décision de principe et essentielle qui peut être justifiée du point de vue de l'histoire, de la sécurité régionale et bien sûr du droit international », a affirmé M. Likhatchev, vice-président de la commission parlementaire pour les Affaires étrangères. « L'Abkhazie veut être un Etat indépendant, alors que l'Ossétie du Sud (...) veut entrer au sein de la Fédération de Russie », a-t-il relevé. Tout en confirmant une telle information, Moscou a annoncé hier, le retour dans la république géorgienne séparatiste d'Ossétie du Sud, de plus de 15 000 réfugiés ossètes qui avaient fui leur région pour rejoindre la Russie, après l'offensive de Tbilissi le 7 août dernier. Depuis la conclusion d'un accord de paix le 12 août, 15 334 personnes sont rentrées en Ossétie du Sud. Au total, 37 355 Ossètes ont quitté leur région pendant le conflit. La population du territoire séparatiste est estiméeà 70 000 personnes. Et ce n'est pas fini, car le territoire séparatiste géorgien d'Abkhazie a annoncé, hier, qu'il allait demander à Moscou de reconnaître son indépendance, alors que les Occidentaux continuent de presser la Russie de retirer ses troupes de Géorgie comme promis, d'ici demain. Un « congrès national », rassemblant tous les partis politiques et organisations sociales abkhazes, doit se tenir aujourd'hui sur une place publique à Soukhoumi, la capitale abkhaze, pour l'approuver définitivement. Le Conseil de la Fédération, chambre haute du parlement russe, a aussitôt annoncé qu'il se réunirait le lundi 25 août, en session extraordinaire pour examiner cette demande, et une requête analogue concernant l'Ossétie du Sud. Le Conseil de la Fédération est « prêt à reconnaître » l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, a déclaré le président du sénat russe, Sergueï Mironov, un proche du Kremlin. Il faut au préalable « une décision en ce sens du président de la Russie, Dmitri Medvedev », a ajouté M. Mironov, qui se trouvait à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord (sud de la Russie) tout près de la frontière géorgienne. Recevant au Kremlin le président abkhaze Sergueï Bagapch et son homologue ossète du sud Edouard Kokoïty, le président Medvedev avait déclaré, vendredi dernier, que Moscou « soutiendrait » et « garantirait » sur la scène internationale « toute décision » des séparatistes sur leur futur statut. L'Ossétie du Sud a, par le passé, réclamé son rattachement, après sa séparation d'avec la Géorgie, à la Fédération de Russie. Les séparatistes abkhazes ont de leur côté évoqué un statut de territoire « associé » à la Russie. De tels événements surviennent après que l'Otan ait adopté mardi à Bruxelles, une déclaration commune condamnant la Russie. Une prise de position aussitôt dénoncée par Moscou, qui a souligné qu'elle aurait « des conséquences » sur ses relations avec l'Alliance, sans préciser, bien entendu, de quelle nature. Beaucoup ne manqueront pas de voir dans ce bras de fer une autre version de la guerre froide. Ce qui n'est pas évident, mais ce qui l'est par contre, c'est que le conflit actuel était attendu.