Varsovie et Washington ont conclu, jeudi soir, un accord sur l'implantation en Pologne d'éléments du bouclier antimissile américain, qui va, à coup sûr, aggraver les tensions entre la Russie et l'Occident, déjà exacerbées par le conflit en Géorgie. Les Etats-Unis vont ainsi pouvoir installer, sur le sol polonais à l'horizon 2012, dix intercepteurs capables de détruire en vol d'éventuels missiles balistiques à longue portée. Ce système est lié à un puissant radar qui sera installé en République tchèque. L'accord avec Prague a déjà été signé le 8 juillet dernier. Ces éléments font partie d'un vaste projet destiné à protéger le territoire américain d'éventuelles menaces de pays imprévisibles comme l'Iran. L'accord, conclu avec deux anciens pays communistes devenus ses plus solides alliés, permet à Washington de marquer un point contre la Russie, qui proteste avec virulence contre un projet qu'elle qualifie de menace directe contre elle. Depuis des mois, la Russie a prévenu qu'elle riposterait à l'installation de contingents américains équipés de systèmes antimissiles dans son ancienne arrière-cour. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déjà annulé une visite à Varsovie, qu'il avait programmée pour les 10 et 11 septembre, a-t-on appris jeudi soir. Les pourparlers entre Varsovie et Washington ont duré quinze mois. Ils ont longtemps buté sur les exigences du gouvernement libéral de Donald Tusk, en place depuis novembre. Affirmant que l'installation du bouclier constituait un risque supplémentaire pour la Pologne qui a des frontières communes avec la Russie, le gouvernement polonais a réclamé des Etats-Unis des batteries anti-aériennes de dernière génération pour accroître la sécurité de son territoire. Les Etats-Unis ont accepté de déployer une batterie de Patriot opérée par un contingent américain. Peu à peu, l'armée polonaise disposera elle-même de ce système antimissile à moyenne portée, ont affirmé les dirigeants polonais. Selon le gouvernement polonais, le conflit entre la Russie et la Géorgie a joué en faveur d'une conclusion des négociations. « Nous avons aujourd'hui une situation internationale nouvelle », a déclaré le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski, qui a estimé que les arguments polonais en ont été renforcés. Le président George W. Bush, qui a été pris à contre-pied par la crise géorgienne, était également très désireux d'obtenir un accord, juste avant le lancement de la campagne présidentielle, selon des diplomates. Le président américain s'est d'ailleurs rapidement déclaré « très satisfait » de l'accord, selon une porte-parole de la Maison-Blanche. « C'est très important pour l'administration Bush », a expliqué Beata Gorka-Winters, une analyste de l'Institut polonais des affaires internationales. « Bush est sur sa dernière ligne droite », a-t-elle dit. « Il ne peut se vanter d'avoir eu beaucoup de succès, il laisse au contraire le désordre dans le monde, la signature pourra être présentée au public américain comme un succès ».