Plus de 90 civils ont été tués vendredi dans l'ouest de l'Afghanistan dans un bombardement de la coalition sous commandement américain, selon les conclusions d'une commission d'enquête, qui met en cause l'absence de coordination entre forces américaine et afghane. La tragédie s'est déroulée vendredi, près du village d'Azizabad, dans le district isolé de Shindand, où les insurgés sont très présents, à quelque 120 km d'Herat, la grande ville de l'ouest du pays. « Nous nous sommes rendus sur place et nous avons constaté que le bombardement a été très intense, beaucoup de maisons ont été détruites et plus de 90 civils, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été tués », a déclaré Nematullah Shahrani, ministre des Affaires religieuses et président de la commission d'enquête. « Je dois rencontrer aujourd'hui les soldats américains. Ils affirment que des taliban se trouvaient dans la région, mais ils doivent le prouver », a-t-il ajouté. « Je retiens de ma mission qu'il n'y a aucune coordination entre les troupes afghanes et internationales, en dépit des demandes répétées du président. Les soldats étrangers ne coordonnent pas leurs opérations avec les Afghans », a-t-il regretté. « De tels bombardements éloignent la population du gouvernement. Les gens sont très en colère », a-t-il expliqué. La région était calme hier, après que des manifestations eurent dégénéré samedi. Des habitants ont brûlé une voiture de police et proclamé « Mort à l'Amérique ». Des journalistes qui se sont rendus dans la région sous escorte policière ont vu, samedi, plusieurs maisons détruites, mais les corps avaient déjà été enterrés. Dans un cimetière voisin, 20 nouvelles tombes avaient été creusées. La plupart des maisons détruites appartenaient à des employés d'une entreprise privée chargée de la sécurité de l'aéroport de Shindand, selon des témoignages. Il était impossible de donner un bilan de source indépendante, mais si les 90 victimes étaient confirmées, il s'agirait de la bavure la plus meurtrière des forces internationales depuis le renversement des taliban fin 2001. Le président Hamid Karzaï a annoncé, hier, le renvoi de deux officiers de l'armée, pour « négligence » et « rétention d'information ». Le Président « a approuvé le renvoi du général Jalandar Shah, commandant le 207e corps d'armée et celui du commandant du bataillon commando du 207e corps, Abdul Jabar, pour négligence et rétention d'information à propos de la frappe aérienne tragique et irresponsable ayant frappé le village d'Azizabad dans le district de Shindand », a annoncé la présidence dans un communiqué. Dans un premier temps, le ministère afghan de la Défense avait fait état de la mort de cinq civils, trois femmes et deux enfants, et de 25 taliban. « La tragédie est beaucoup plus grave que nous ne l'avions initialement pensé », a reconnu, hier, le général Mohammad Zaher Azimi, porte-parole du ministère de la Défense, sans donner de chiffres. La coalition a ouvert une enquête, après avoir affirmé vendredi que 30 insurgés avaient été tués. Les forces étrangères en Afghanistan sont régulièrement accusées de provoquer la mort de civils dans les affrontements avec les insurgés. Selon la commission afghane indépendante des droits de l'homme, plus de 900 civils ont été tués depuis début 2008 dans des violences, du fait des insurgés ou des forces de sécurité afghanes et internationales. En juillet, deux frappes aériennes des forces internationales avaient tué 64 civils, pour la plupart des femmes et des enfants, dans les provinces du Nouristan et de Nangarhar (est), selon des commissions d'enquête afghanes.