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« L'attitude des autorités manque de cohérence et de logique institutionnelles » Ali Brahimi (Député à l'APN, à propos du mouvement des citoyens demandant la restitution des fusils confisqués à Bouira)
Ali Brahimi, député RCD à l'Assemblée populaire nationale (APN), élu dans la wilaya de Bouira, n'y est pas allé par trente-six chemins pour dire combien l'affaire des fusils de chasse confisqués (il y en a 9000 en tout) en 1993 est confuse. Elle constitue, selon lui, un véritable imbroglio dans lequel les autorités chargées du dossier s'embourbent au fil des mois. Aucune solution n'est encore dégagée, sauf que les propriétaires ont évolué dans leur position, eux qui demandent à présent une réparation du préjudice économique subi. Mais pour autant, pourrait-il y avoir un jour restitution ? La réponse est, semble-t-il, tributaire de la situation sécuritaire qui, selon le ministre de l'intérieur, n'a pas encore évolué d'autant que d'après lui, « les conditions ayant présidé à la récupération - par l'Etat - de ces fusils ne sont pas totalement évacuées ». Cet argumentaire est toutefois balayé d'un revers de la main et les propriétaires des armes confisquées soutiennent mordicus que l'Etat fuit ses responsabilités dans cette affaire. Plusieurs correspondances ont été envoyées aux autorités compétentes, y compris au président de la République, mais rien ne semble pointer à l'horizon. Les propriétaires de ces fusils, en signe de protestation, continuent à tenir leur sit-in hebdomadaire (chaque dimanche) au niveau de la place centrale de Bouira. Ceux-là s'étonnent au demeurant du fait qu'ils soient privés de leurs biens au moment où d'autres citoyens censés être égaux en droits et en devoirs sont autorisés à se procurer des armes avec bien évidemment une autorisation expresse des pouvoirs publics. Vous avez accompagné le mouvement des propriétaires des fusils de chasse confisqués depuis pratiquement le début. Où en est la démarche entreprise ? Cela fait une année que j'y contribue de manière importante. Le mouvement des citoyens réclamant la restitution de leurs fusils de chasse a travaillé dans deux directions. A un premier niveau, nous avons animé et encadré le débat entre les concitoyens concernés pour cerner la problématique, discuter des solutions envisageables et élargir la mobilisation populaire. Sur ce dernier point, l'essentiel de l'effort a concerné la wilaya de Bouira où nous avons tenu des rencontres directes avec les concernés dans les chefs-lieux de communes ou daïras. Toutefois, des citoyens concernés et résidant dans d'autres wilayas, notamment à Médéa, Laghouat, Aïn Defla, Alger et surtout à Tizi Ouzou ont pris attache avec nous pour nous encourager et pour déclarer leur soutien à cette cause citoyenne. Concernant la seconde direction, nous avons mené des démarches intenses en direction des divers paliers institutionnels pour reposer le problème. Il y a eu ma question orale à M. le ministre de l'Intérieur. Il y a eu diverses autres actions, notamment auprès des présidents de l'APN et du Conseil de la nation. Seul le président de l'APN a accepté, sur mon intercession, de recevoir une délégation de Bouira. Il avait demandé un courrier explicatif qu'il a eu et promis de reposer la question à qui de droit. Qu'en est-il ressorti ? Nous ne sommes pas informés de la teneur de ces démarches ni de leurs résultats. M. le président du Conseil de la nation n'a, pour sa part, pas encore donné suite à la demande d'audience qui lui a été adressée. Une autre demande d'audience des citoyens de Bouira est formulée auprès de M. le ministre de l'Intérieur depuis février dernier. Les concernés ont également initié une pétition des parlementaires de la wilaya de Bouira pour appuyer leur revendication. Je ne sais pas quels sont les parlementaires qui ont accepté de signer. L'opération est en cours. Tout dernièrement, sur requête d'un vice-président de l'APN membre de la coalition gouvernementale, nous avons établi une liste non exhaustive des personnes intéressées par la restitution de leurs fusils de chasse dans la wilaya de Bouira avec les références administratives nécessaires (numéro de fusil, de bon de dépôt, etc.). Nous avons listé 2012 sur les 9600 concernés. S'il ne se rétracte pas, ce responsable s'est engagé à remettre cet état au chef de cabinet du ministère de l'Intérieur qui, selon lui, la lui aurait réclamée durant la visite d'installation du nouveau wali de Bouira. En votre qualité de député, quelle appréciation portez-vous sur l'attitude des autorités compétentes face à la demande incessante de ces propriétaires de fusils ? Il faut d'abord reconnaître que pour l'essentiel, les hauts responsables à l'origine de cette saisie (qui ne dit pas son nom) de fusils de chasse ne sont plus aujourd'hui, seize ans après, en charge des affaires de l'Etat. Le gouvernement et le ministre de l'Intérieur actuels ont seulement hérité de cette malheureuse affaire. Mais cela ne les dédouane pas pour autant du devoir d'Etat qui leur impose de trouver une solution. L'attitude des autorités manque de cohérence et de logique institutionnelles. Elles avancent l'argument de la contrainte sécuritaire en oubliant que dans 38 wilayas où la restitution des armes de chasse était facultative, des milliers d'Algériens ont toujours leurs fusils. C'est le cas dans des wilayas « chaudes », à l'image de Tizi Ouzou. Lorsqu'on leur dit cela, ces responsables répliquent que les concernés ont gardé leurs armes dans le cadre des GLD (groupes de légitime défense), ce qui est en grande partie totalement faux. Les mêmes responsables vont jusqu'à amener les citoyens qui réclament leurs fusils à intégrer avant les GLD. M. Zerhouni ne m'a-t-il pas publiquement proposé cela en échange d'une kalachnikov lors de ma question orale à l'APN ? Lorsque les citoyens à qui cela a été dit relèvent le défi et répondent chiche, il leur est déclaré que le terrorisme est vaincu, et qu'il n'y a plus besoin de GLD ! Mais si c'est le cas, alors pourquoi refuser de rendre leurs armes aux concernés ? C'est l'imbroglio le plus total ! Les autorités feignent aussi d'ignorer qu'elles ont autorisé la réouverture des armureries et du commerce des armes de chasse ainsi que des saisons de chasse et même des importations individuelles d'armes de chasse et ce sur tout le territoire national. C'est kafkaïen ! A votre avis, que sont devenues ces armes ? A un niveau de gestion pratique, pour ma part, je ne suis plus certain que les services de l'Etat possèdent réellement un dossier et des données récapitulatives sur les fusils confisqués et leur sort. Il ne s'agit pas de la confusion que peut avoir créée en 1994, la gestion dans l'urgence de cette action publique ni même de la part d'incompétences individuelles éventuelles et possibles de ses gestionnaires directs. La question est autrement plus grave. L'Etat donne l'impression de ne plus être en possession des biens privés des citoyens dont il a eu le dépôt. La rumeur de la distribution de ces fusils à d'autres citoyens durant les années noires tend à se confirmer. Je suis de plus en plus enclin à penser que les services de l'Etat ont disposé de ces armes de chasse. Mais alors, dans ce cas, qu'est-ce qui leur interdit de déclarer publiquement cette action qui peut très bien être compréhensible vu les circonstances de l'époque ? Selon vous, y a-t-il à présent des issues à cette affaire ? Une solution, il y en aura forcément une. D'ailleurs, M. le ministre de l'Intérieur a déclaré, à l'APN, que la restitution des biens de ces citoyens est un droit dont le gouvernement est parfaitement conscient. Quand ? C'est une autre question dont l'initiative dépend des pouvoirs publics. Pour leur part et grâce au débat que nous avons initié à Bouira, la problématique de la restitution des armes de chasse a connu des évolutions très positives auprès des concernés, comme vous pouvez en juger. Même si chaque fusil est une relique représentant toute une histoire pour son propriétaire, les animateurs de la mobilisation citoyenne sur cette affaire n'exigent plus la restitution du même fusil qu'on leur a pris. Ils demandent un fusil équivalent tout simplement. Ils en sont même arrivés à envisager d'accepter un permis de port d'arme de chasse et une autorisation d'achat accompagnés du montant nécessaire à l'acquisition d'un autre fusil de chasse. Mieux, ils ont répondu de manière très responsable et intelligente à ceux qui ont tenté de leur opposer les patriotes qui, dans le cadre de la lutte antiterroriste, auraient pu bénéficier de leurs armes de chasse. Ils se sont clairement démarqués de toute idée de vouloir, à travers la revendication de leurs biens, désarmer ces patriotes. Disons-le clairement, à Bouira, grâce au débat fécond que nous avons eu avec les concernés, la problématique de la restitution des armes de chasse remises en dépôt à l'Etat, en 1994, a évolué radicalement. Plus clairement, si pour une raison quelconque les services de l'Etat ne sont plus en possession de ces fusils, ils n'ont qu'à mettre en place un dispositif raisonnable de réparation du préjudice subi par les propriétaires. La balle est dans le camp de l'Etat ; il appartient au ministre de l'Intérieur d'ouvrir les pourparlers avec les concernés pour matérialiser une solution définitive à ce problème qui n'a que trop duré.