Le sort des imprimeries étatiques est désormais connu. Elles ne sont pas sur la liste des entreprises à privatiser. L'Etat, seul actionnaire, « ne veut pas les vendre », selon les propos tenus par Yahia Hamlaoui, le ministre délégué auprès du chef du gouvernement, chargé de la Participation et de la Promotion des investissements. L'ouverture (à hauteur de 49%) du capital de la Société d'impression de l'Ouest (SIO) dont le siège est à Oran est ainsi démentie de fait. L'argumentaire retenu par les autorités pour refuser de privatiser les imprimeries évoque leur utilité « dans l'étape actuelle » : grâce à elles, l'Etat a édité « 12 millions de livres à la rentrée ». Cela étant et même si on peut admettre qu'elles sont « utiles » malgré la gestion qui les caractérise, il n'existe par ailleurs même pas un plan d'action pouvant leur permettre de fonctionner sur la base d'un cahier des charges capable de les sortir de l'impasse dans laquelle elles sont depuis toujours. Elles sont d'abord surendettées auprès de leur fournisseur de papier (LPAP) auquel elles doivent 2 milliards de dinars. Cet endettement ne constitue qu'un aspect de l'inextricable situation créée par le pouvoir qui n'a jamais montré de velléité de laisser fonctionner les imprimeries sur les bases économiques et financières saines. Les imprimeries croulent sous le poids de découverts bancaires coûteux (à cause de la location de l'argent). Simpral, par exemple, faisait face en juillet 2004 à pas moins de 850 millions de dinars de découvert bancaire. On imagine ce que doit lui coûter financièrement cette situation. Et encore, il faut garder à l'esprit que le secteur de l'édition étatique vit dans un grand paradoxe : les imprimeries détiennent d'immenses créances sur la presse publique et privée. La seule Simpral a fait état, toujours en juillet 2004, de 1,6 milliard de créances détenues sur des publications insolvables. Elle déclarait en outre 370 millions de dinars de pertes dues à des titres qui avaient disparu. En juillet 2004, des imprimeurs décident d'imposer à certains titres de s'occuper un peu de leurs ardoises. Des mises en demeure tombent entraînant la disparition de deux titres. MENACES Une fois l'émotion maîtrisée, éditeurs (16 dans un premier temps, 35 lors d'une réunion tenue le 27 juillet) décident de créer la Fédération des journaux algériens (FJA) qui, d'ailleurs, n'a pas fait beaucoup parler d'elle depuis lors. « Nous sommes condamnés à baliser, pour les dix prochaines années, l'avenir de nos entreprises. Il faut qu'on agisse vite sinon la vie économique nous fera disparaître. Il y a des journaux qui sont menacés de suspension pour dettes envers les imprimeries », disait ce 27 juillet un des éditeurs. C'est après cette chaude alerte que Boudjemaâ Haïchour, dès la rentrée, remet sur le tapis le projet de la nouvelle loi sur l'information et se permet même de sortir de sa manche un projet de loi sur l'éthique et la déontologie. Son discours comporte à chaque fois des références aux dépassements des éditeurs et des journalistes et leur manquement aux règles du métier. Pendant ce temps, l'affaire Khalifa est servie à doses calculées. L'emprisonnement de Benchicou est en outre brandi constamment comme un glaive qui menace de s'abattre à la moindre alerte faisant état de résistance. Ce que l'on peut constater, c'est que la conjonction de toutes ces pressions a fini par influencer la presse qui s'est mise - à part quelques exceptions, comme pour confirmer la règle - hors course dans l'important débat qui a lieu actuellement sur le devenir de la liberté d'expression. Voilà pourquoi le pouvoir est seul sur la scène pour donner sa première et dernière mouture à des lois qui ne vont pas manquer d'aggraver l'appauvrissement de la scène médiatique algérienne par la récupération de la presse privée sachant qu'il a déjà en main la totalité des médias audiovisuels. Y a-t-il une volonté de retour à la situation d'avant la loi de 1990 ? Avec la décision de maintenir les imprimeries sous l'hégémonie du pouvoir, il ne peut plus exister un doute.