L'hydrodiplomatie et l'hydropolitique se sont invités au congrès mondial de l'eau qui s'est achevé, jeudi dernier, après quatre jours de travaux clôturés par une assemblée générale de l'Association internationale des ressources en eau (IWRA en anglais). Montpellier (France) : De notre envoyé spécial Ressource vitale menacée par les changements climatiques et les pratiques de l'homme, l'eau est aussi otage d'enjeux politiques et transfrontaliers. La situation au Proche-Orient où s'affrontent les théories des colons comme « premiers utilisateurs » et autochtones défendant la souveraineté territoriale est, de ce fait, inquiétante. Et le scénario, moins tendu, est aussi celui d'autres pays de la région se disputant les eaux du Tigre et de l'Euphrate, du Nil, mais aussi d'autres pays riverains des mêmes eaux, comme en Afrique. En Palestine, l'eau est prise dans l'étau de l'occupation israélienne et d'une disponibilité aléatoire et incertaine. « La partie palestinienne n'a pas réussi à faire avancer ses droits de façon notoire », observe Pierre Blanc, enseignant-chercheur à l'Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (IAMM), pour souligner « l'échec » palestinien dans la négociation hydropolitique. Il n'y a pas de doute : « Au-delà des contraintes palestiniennes, l'approvisionnement est également très entravé par l'occupation et la colonisation des territoires. Du fait de l'importance des sous-aquifères occidental et septentrional, il n'apparaît guère étonnant que l'Etat hébreu ait cherché à en exercer le contrôle. Par un certain nombre de mesures, il s'agissait d'éviter que les Palestiniens ne prélèvent trop d'eau, au risque de voir cette ressource se tarir en aval, c'est-à-dire en Israël. » Selon lui, plus de 200 villes et villages palestiniens, soit 10% de la population, ne sont pas raccordés au réseau d'alimentation en eau potable de la Cisjordanie. Une eau potable leur est alors proposée à la vente dans un marché qui échappe à tout contrôle. Inaccessible pour beaucoup du fait de sa cherté, cette eau ne passe pas facilement dans les villages à travers les points de contrôle et barrages militaires. Les citoyens de la Palestine n'accèdent pas à toute l'eau qui coule sous leur sol. Ils ne peuvent prélever, selon Pierre Blanc, que le cinquième de l'eau qui se trouve dans les aquifères. Un état de fait, « alors que les 3/4 de l'aire de recharge se situent en Cisjordanie. « Non seulement, ils ne peuvent prélever autant d'eau qu'ils le souhaiteraient, mais ils sont dépendants des approvisionnements israéliens en eau potable », ajoute le chercheur de IAMM. Pour subvenir à leurs besoins, dans une situation sur laquelle pèse aussi la rareté de la ressource dans certaines régions, les habitants s'équipent de citernes pour recueillir l'eau de pluie. « En période de fort débit, l'eau des sources est souvent stockée dans des conteneurs qui peuvent être la cible de tirs de colons ou de soldats lors de fortes tensions, tout comme le sont également les citernes », note Pierre Blanc. Il apprend que dans la ville d'El Khalil, l'eau est lâchée une fois tous les 50 jours, soit un jour pour chacun des 50 districts. Un rationnement fait « pour assurer l'alimentation des colonies ». L'eau palestinienne est aussi puisée à travers des puits que l'Etat hébreu a creusé aux frontières d'Israël. Les deux sources qui donnent l'eau de la nappe occidentale aux régions de Haïfa et Tel Aviv se sont asséchées par conséquence. « 6% seulement des terres agricoles de Cisjordanie sont valorisées par l'irrigation », malgré le recours à la majorité des quelque 400 puits peu profonds, qui existent en Cisjordanie. En Palestine, où 65% de l'eau est consommée par l'activité agricole, le rationnement empêche l'utilisation du goutte-à-goutte et la valorisation de l'agriculture bute sur le Mur que l'Etat hébreu a construit en 2002. Un mur qui a laissé des « portes agricoles » dont l'ouverture est aléatoire. Dans la bande de Gaza, se pose aussi le problème de l'eau polluée. « 45% des habitants n'étant pas raccordés à un système d'assainissement, beaucoup de déchets liquides se retrouvent dans la nappe (…). Malheureusement, Israël s'opposant au transfert d'eau de l'aquifère de la montagne, les municipalités ne peuvent pas compter sur les eaux de Cisjordanie dont la qualité est supérieure », rapporte M. Blanc. Pour pouvoir consommer une eau peu ou pas potable, des familles palestiniennes, celles qui en ont les moyens, se sont dotées de leurs propres systèmes de filtrage et d'épuration. « Malheureusement, dans ce débat, on ne peut guère compter sur un droit international éclairant, encore moins contraignant », conclut Pierre Blanc.