Actes de piraterie, famine, instabilité politique, violence quotidienne fauchant des dizaines de civils : la Somalie s'embourbe dans une grave crise politique et humanitaire. Les appels des ONG internationales ne trouvent que peu d'échos. La moitié de la population de la Somalie, soit 3,6 millions de personnes, sera totalement dépendante de l'aide alimentaire et de l'aide d'urgence au cours des 12 prochains mois en raison des effets combinés des violences, de l'hyperinflation – s'élevant à 400% sur les six derniers mois – et de la sécheresse, soit une augmentation de 77% depuis janvier 2008, selon l'ONU. Plusieurs agences humanitaires de l'ONU et ONG ont d'ailleurs toutes tiré la sonnette d'alarme ces dernières semaines, estimant à 14 millions le nombre de personnes menacées par de graves pénuries alimentaires en Afrique de l'Est, région qui englobe l'Ethiopie, l'Erythrée, la Somalie, le Kenya et Djibouti. La sécheresse vient s'additionner « aux pires violences » que la région ait connues depuis plusieurs années en Somalie et dans « certaines parties de l'est de l'Ethiopie », ainsi que la flambée des prix des denrées alimentaires avec plus de 200% ces huit derniers mois dans les régions les plus affectées, explique l'Unicef. La situation politique de ce pays n'est guère reluisante. Etablies en 2004, les institutions de transition, le gouvernement et le parlement largement contrôlés par les seigneurs de la guerre, sont minées par des querelles internes et ne sont pas parvenues à établir leur autorité sur le pays, ravagé par la guerre civile depuis 1991. Le gouvernement de transition, mené par Nur Hassan Hussein, n'arrive pas à instaurer la paix, alors que les attaques des insurgés islamistes (les anciens des Tribunaux islamiques) se poursuivent contre notamment les forces éthiopiennes. Ces dernières, considérées comme des forces d'occupation par l'opposition armée, sont intervenues fin 2006 pour déloger les Tribunaux islamiques avec l'appui de Washington. L'Exécutif se retrouve même, depuis cet été, en pleine tempête. La crise politique s'était aggravée après la démission début août de 10 des 15 ministres du gouvernement qui accusaient Nur Hassan Hussein de mauvaise gestion des fonds publics. Paix difficile Au milieu de cette situation pessimiste, il y a eu quand même une lueur d'espoir. Mais vite assombrie. Le 18 août dernier, le gouvernement somalien du président Abdullahi Yusuf et des dirigeants de l'opposition, organisée en l'Alliance pour une nouvelle libération de la Somalie (ARS), ont ratifié l'accord de paix conclu à Djibouti le 9 juin dernier, portant sur une trêve de six mois. Mais aussitôt, une frange plus radicale des Tribunaux islamiques, avec à sa tête Cheikh Hassan Dahir Aweys, a rejeté ce document. D'ailleurs, quelques jours après cette ratification, les rebelles islamistes annonçaient la prise de la ville portuaire, stratégiquement très importante, de Kismayo à 500 km au sud de Mogadiscio. Il s'agit du premier succès militaire d'importance de l'insurrection islamique depuis la chute des Tribunaux, en décembre 2006. Depuis plusieurs mois, ils ont pris peu à peu le contrôle de la partie sud du pays en s'installant dans les villages alentours, prenant le contrôle des check-points et en infiltrant des combattants dans la ville de Kismayo, venant à bout des milices locales qui dirigeaient la ville jusqu'à présent. Les succès des combattants refusant l'accord de paix ne font qu'hypothéquer les chances d'une stabilité du pays. Un pays qui reste otage aussi du vieux conflit entre ses deux bélliqueux voisins, l'Erythrée et l'Ethiopie, qui continuent de s'affronter par Somaliens interposés. L'ONU, pour sa part, a appelé à la mise à disposition d'une enveloppe de 700 millions de dollars US pour lui permettre de financer divers projets de renforcement des moyens de subsistance en Somalie. Mais les donateurs semblent encore plus indifférents vis-à-vis de la Somalie, les Nations unies s'étant montrées incapables de collecter les 3 millions de dollars US dont elles avaient besoin pour financier leurs opérations.