La presse russe a eu hier la formule heureuse en soulignant que la Russie et l'Europe ont toutes deux obtenu ce qu'elles voulaient lors de la rencontre, lundi, entre le président Dmitri Medvedev et la délégation européenne menée par le président français Nicolas Sarkozy. Autant dire que cette source a pris une grande distance avec tout ce qui se disait avant et après cette rencontre, laquelle a eu, hier, d'incroyables prolongements avec des revendications russes comme le fait que les deux républiques séparatistes géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, dont Moscou a reconnu l'indépendance, et avec lesquelles elle a établi hier des relations diplomatiques, doivent être « pleinement » associées aux pourparlers internationaux qui s'ouvriront le 15 octobre à Genève à leur sujet. C'est ce qu'a fait savoir le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. « La liste des participants à cette rencontre n'a pas été définie dans le plan (de paix) mais nous avons expressément noté que l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie devaient recevoir une place à part entière à la table de ces discussions », a-t-il dit dans une déclaration devant la presse. Les présidents russe Dmitri Medvedev et français Nicolas Sarkozy, qui préside actuellement l'UE, ont convenu lundi de discussions internationales sur la « sécurité et la stabilité » dans les deux territoires sécessionnistes à compter du 15 octobre à Genève dans le cadre du plan de paix pour la Géorgie négocié en août. Moscou et les Occidentaux continuent toutefois de diverger sur le statut de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, que seuls la Russie et le Nicaragua ont reconnues après le conflit russo-géorgien et l'entrée massive de forces russes sur ces deux territoires le 8 août. De son côté, le ministre russe de la défense a fait savoir que son pays va maintenir environ 3800 soldats en Ossétie du Sud et autant en Abkhazie. C'est donc cela le gagnant-gagnant évoqué par la presse russe en soulignant que « la Russie a obtenu ce qu'elle voulait de la Géorgie – Tbilissi va renvoyer ses troupes dans leurs casernes d'ici au 1er octobre. Le quotidien Kommersant se montre plus sarcastique, moquant la manière du président français « transporté par sa victoire » de présenter l'accord comme « sa réalisation personnelle et évidemment historique », en particulier le retrait russe du territoire géorgien. Le journal cite toutefois un haut fonctionnaire du Kremlin, soulignant que ce point précis n'avait jamais fait débat. « Ils pensaient peut-être que nous ne voulions pas ça ? Que nous sommes dingues ? Ils pensaient que cela poserait problème, mais c'est tout à fait dans notre intérêt : sortir nos soldats de là-bas et y mettre autant d'observateurs européens que possible pour nous séparer », selon cette source. Le quotidien Vremïa Novosteï relève de son côté que Dmitri Medvedev a préféré s'en prendre à l'Amérique plutôt que de faire trop pression sur l'Union européenne. « Medvedev accuse ouvertement Washington d'avoir organisé l'agression géorgienne. Apparemment, les Etats-Unis demeurent le principal adversaire de la Russie en la matière ». Ce point de vue est mal perçu, sinon critiqué de manière officieuse bien entendu par un membre des 27. Les discussions de lundi entre les présidents russe et français ont abouti à un « résultat médiocre », a estimé lundi soir un proche collaborateur du président polonais Lech Kaczynski. « Je crains que ce soit un résultat médiocre du point de vue de l'Union européenne et compte tenu de nos intérêts », a déclaré Piotr Kownacki, haut responsable de la présidence polonaise. Il a précisé que le chef de l'Etat polonais allait « œuvrer pour que l'UE réagisse plus fort » concernant la Géorgie. Selon l'accord en question, les forces russes se retireront complètement du territoire géorgien, hors Ossétie du Sud et Abkhazie, dans un mois. Le président russe a précisé que ce retrait se ferait « dans un délai de dix jours après le déploiement dans ces zones de mécanismes internationaux comprenant pas moins de 200 observateurs de l'Union européenne ». Ce déploiement « doit intervenir pas plus tard que le 1er octobre 2008 », a précisé M. Medvedev, ce qui signifierait un retrait total d'ici le 10 octobre, correspondant bien au délai total d'un mois indiqué par M. Sarkozy. Ces retraits sont soumis, selon le président russe, à la signature par la Géorgie de « documents juridiquement contraignants sur le non-usage de la force contre l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ». Mais tout compte fait, les observateurs seraient enclins à reprocher aux médias russes leur modération, sinon leur prudence, car ils verraient que Moscou n'a pas cédé sur quoi que ce soit.