Il y a un phénomène qui semble ces dernières années prendre de l'épaisseur, surtout lors du mois sacré. Si pour certains jeûneurs, la chaleur les invite à échapper aux dards de l'astre flamboyant pour se cloîtrer dans leurs bureaux sinon à meubler leur temps à flâner par-ci par-là dans les souks, d'autres, en revanche, ne ratent pas l'opportunité de tuer le temps dans un lieu cultuel. Un endroit sacré dans lequel ils se réfugient l'intervalle de l'observance du jeûne. Qui dort dîne, dit à juste titre l'adage. Mais il n'est pas moins faux que celui qui dort jeûne aussi, serions-nous tentés de croire par extension. Et la planque idéale semble tout indiquée : la mosquée. Un espace qui, pourtant, invite le fidèle à l'acte d'adoration, s'abstraire du monde extérieur pour se replier sur la vie intérieure, charger ses accus, réfléchir et plonger dans une atmosphère religieuse devant le Tout-Puissant. Nenni, cette catégorie de dormeurs invétérés ne l'entend pas de cette oreille. Elle n'a que faire de l'esprit méditatif que procure le lieu de culte qui nous permet, à l'évidence, de faire un retour sur soi. Des dormeurs pantouflards qui n'hésitent pas à tenir en cercle autour d'eux le fil des heures de jeûne prescrit par un des cinq piliers de notre religion. Une virée après l'heure de zénith dans l'une des plus anciennes mosquées de la ville d'Ibn Mezghenna (Djamaâ el Kebir) et le quidam peut se faire une idée sur la torpeur dans laquelle est engoncée cette gent qui ronfle à tout rompre dans une apnée du sommeil. Quitte à briser la quiétude de quelques fidèles qui ont l'œil rivé sur la lecture du Livre sacré. On se serait cru dans un dortoir ou un couvoir tant l'espace de prière et de recueillement est squatté par une procession de dormeurs qui n'en ont cure de la sacralité des lieux, une scène qu'on ne risque de voir ni dans une église ni dans une synagogue. Un décor qui nous renvoie une certaine image, celle du triste épisode de la ville de Hallabja, où les victimes « gazées » gisaient à même le sol, me lançait un ami, Kamel, sur un air d'ironie mêlé de dépit. Le hic est que l'intendant relevant de la Nidhara, chargé de mettre de l'ordre dans la Maison de Dieu, brille par sa nonchalance et n'ose rappeler à l'ordre ces flemmards étalant leur « viande » — c'est le cas de le dire non sans le haut-le-corps — dans une position avachie et sans retenue aucune. Ainsi vont certaines de nos mosquées fréquentées par des jeûneurs d'un autre acabit, dont le comportement est, le moins qu'on puisse dire, aux antipodes des valeurs de l'Islam.