Le président zimbabwéen, Robert Mugabe, et son rival Morgan Tsvangirai, ont signé hier un accord de gouvernement d'union nationale, conclu après cinq mois de violences et d'âpres négociations. Le président Mugabe, 84 ans dont 28 au pouvoir, a été accueilli par les huées d'une partie de la salle, dans l'hôtel Rainbow Towers à Harare, tandis que son opposant, Morgan Tsvangirai, recevait les applaudissements d'une assistance triée sur le volet et composée en majorité de députés zimbabwéens. Après avoir paraphé l'accord, les rivaux se sont serré la main sous les applaudissements nourris de l'assemblée. Le président Mugabe gardait le visage fermé, tandis que Morgan Tsvangirai affichait un large sourire. L'accord a également été signé par Arthur Mutambara, leader d'une petite faction dissidente de l'opposition, en présence du président sud-africain, Thabo Mbeki, nommé par la région de l'Afrique australe médiateur dans le dossier zimbabwéen. L'accord a été arraché jeudi soir par le médiateur de la SADC dans la crise née de la défaite historique du régime aux élections générales du 29 mars, le président sud-africain Thabo Mbeki. Sa « diplomatie discrète », qui l'a vu s'abstenir de toute critique publique à l'égard du président Mugabe, héros de la lutte contre la suprématie blanche, a souvent été dénoncée comme conciliante. L'accord suscite toutefois de grandes réserves, notamment parmi les puissances occidentales dont l'aide est attendue pour reconstruire une économie en ruine. Celles-ci attendent de voir la réalité de la place accordée à M. Tsvangirai, dont le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a remporté les législatives du 29 mars. M. Mugabe avait été réélu au second tour de la présidentielle fin juin, après un déchaînement de violence contre le MDC et ses partisans qui a fait plus de 200 morts et contraint M. Tsvangirai à se retirer de la course. Selon la presse d'Etat, les deux dirigeants se sont mis d'accord samedi sur un gouvernement de 31 ministres, placés sous double contrôle. Chef de l'Etat, M. Mugabe dirigera le gouvernement, tandis que M. Tsvangirai, Premier ministre, prendra la tête d'un conseil des ministres restreint qui participera à l'élaboration des politiques et en surveillera la mise en œuvre. Si le Centre de commandement conjoint (JOC), regroupant les chefs d'état-major de l'armée, la police et les services secrets, passe sous contrôle du Premier ministre, le président continuerait de diriger les forces armées, selon des sources concordantes. Enfin, M. Tsvangirai prendrait le contrôle du ministère de l'Economie, pivot du redressement du pays. Le Zimbabwé est miné par une hyperinflation de plus de 11 millions pour cent, la production est au point mort et plusieurs millions de Zimbabwéens sont menacés de famine.