Le chef de l'Etat zimbabwéen Robert Mugabe a ouvert hier la session du Parlement issu des élections du 29 mars sous les huées de députés de l'opposition, venus spécialement pour dénoncer sa légitimité. «Des engagements importants (pour un gouvernement d'union nationale entre pouvoir et opposition) ont été conclus, avec l'espoir que tout le monde va signer», a déclaré le président Mugabe, à peine audible sous les cris de députés du Mouvement pour le changement démocratique (MDC). «Les élections sont maintenant derrière nous (...) Maintenant, il est temps de placer le Zimbabwe en premier», a poursuivi Mugabe devant les 210 membres du Parlement, dont 99 du MDC de son rival Morgan Tsvangirai. Le chef de l'Etat, arrivé à bord d'une Rolls Royce au Parlement, avait été acclamé par des partisans chantant «il est notre père. Il est notre leader». Mais les élus de l'opposition n'ont cessé de l'interpeller pendant son discours, scandant «la Zanu est pourrie» en référence au parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique (Zanu-PF), selon des images transmises en direct par la télévision d'Etat. Après avoir renoncé à un boycott annoncé dans la matinée, les députés du MDC étaient finalement présents pour remettre au plus vieux chef d'Etat du continent - 84 ans dont 28 au pouvoir - une pétition affirmant que la session inaugurale était «nulle et non avenue» puisqu'en «violation manifeste» de l'engagement pris par les parties à négocier un accord de partage du pouvoir. Le MDC avait indiqué la semaine dernière que la convocation du Parlement, si elle entraînait la formation d'un gouvernement, fermerait la porte à ces pourparlers destinés à sortir le pays de la crise née de la défaite historique du pouvoir aux élections générales fin mars. Ces tractations ont été suspendues sine die le 12 août, chaque camp voulant contrôler l'exécutif. L'élection lundi à la présidence du Parlement d'un dirigeant du MDC, Lovemore Moyo, a sapé les efforts du régime pour conclure une alliance avec un groupe minoritaire de l'opposition qui écarterait du pouvoir le leader du MDC Morgan Tsvangirai. Ce vote a aussi révélé des divisions au sein de la Zanu-PF: le décompte montre que certains de ses élus ont voté pour le candidat du MDC. L'élection du président du Parlement a pris cinq mois en raison de la publication tardive des résultats des législatives, puis de la tenue fin juin d'un second tour de la présidentielle, boycotté par l'opposition face aux violences déchaînées par le régime. Seul en lice, M.Mugabe avait été réélu. Les mesures d'intimidation se poursuivent: un élu du MDC n'a pu prêter serment lundi, arrêté et écroué pour viol à son arrivée au Parlement, dans une affaire qui avait pourtant été classée. Un autre avait été «entendu» par la police avant de pouvoir pénétrer dans l'enceinte. Ces élus du MDC sont accusés de divers crimes dans le cadre des violences de l'entre deux tours, alors que l'ONU impute aux partisans du régime la responsabilité de ces exactions qui ont fait au moins 200 morts selon l'opposition. Le président Mugabe a émis des regrets devant les députés sur ce qu'il qualifie de cas «regrettables et isolés de violences». «Tous les partis politiques dans ce pays ont reconnu leur culpabilité dans ces violences», a-t-il affirmé. La prochaine session du Parlement est prévue le 14 octobre.