Après une absence qui aura duré plus de 15 ans loin de la scène musicale algérienne, le fameux groupe de rock T34, auteur du titre « phare » Boualem El Far, amorce un come-back remarqué en donnant un deuxième concert au théâtre de Verdure d'Alger. Khaled Louma, le chanteur et leader de T34, annonce la sortie d'un nouvel album dans l'air du temps mêlant des sonorités algériennes, maghrébines, orientales, jazzy... Et puis, Khaled nous invite à un travelling rock d'une caméra... Louma ! Après le concert du come-back en juillet dernier, après 15 ans d'absence, vous retrouvez votre public encore fois au Théâtre de Verdure. Cela vous manquait-il ? Oui, une absence d'une bonne quinzaine d'années. Nous avons donné déjà un concert en juillet. Là, on revient effectivement parce que les conditions sont un peu spéciales. C'est le Ramadhan. C'est aussi une façon de se retrouver dans une certaine ambiance qu'on a un peu perdue. Qu'avez-vous fait durant cette longue pause ? C'est un laps de temps (rires), où l'on a préféré régler nos problèmes personnels, puis, on s'est remis à la musique d'une façon très lente. Et puis travailler sur un album... Justement, un nouvel album marquant le grand retour de T 34... Oui, on a travaillé sur un album qui sortira dans quelques mois. Donc, cela a pris quelques années de recul, d'analyse, d'introspection et aussi de remise en question par rapport à la musique que nous allions faire et reproposer. Il n'est plus question de revenir à ce que nous faisions avant. Maintenant, la musique a évolué. Il faut être dans l'air du temps. Cependant, l'âme de T34 demeure... Non. Il n'y aucun changement de style. C'est qu'effectivement, parfois dans certains morceaux des allusions à d'autres genres de musique. Algériennes... Algériennes, évidemment ! Du Maghreb, Moyen-Orient et du jazz, du rock pur. Et cela donne un beau mélange quand on arrive à trouver le dosage qu'il faut. C'est en cours de mixage en ce moment entre deux studios. C'est vraiment un album fait entre Paris et Alger. On n'a pas encore trouvé de label. On est en négociation. En tout cas, c'est en bonne voie. Qu'est-ce que ça vous fait d'être les précurseurs du heavy metal (hard rock) en Algérie ? On avait bénéficié d'un contexte à l'époque qui était très riche, très ouvert aussi. On avait emprunté une voie un peu difficile, certes. Jouer du rock'n'roll. Bon, on a persisté. C'est vrai que ce n'était pas évident au début. On nous avait pris pour des fous. C'est-à-dire que cela ne marchera jamais. On ne cherchait pas le succès, on voulait juste jouer pour le plaisir. Et ensuite, il y a eu des groupes après nous qui ont ravivé le feu. C'était du gros son rock... La base du rock, c'est l'énergie et l'émotion. Si on n'a pas les deux, cela ne peut pas marcher. L'énergie, il faut travailler pour l'avoir, être conscient qu'on a un corps et qu'il faut le ménager. Et au niveau de l'écriture, il faut être très expressif. Vous êtes un enfant du rock... On a eu la chance d'ouvrir les yeux artistiquement parlant sur les années 1970. C'est une période très prolifique pour les musiciens, les cinéastes, peintres, écrivains. D'ailleurs, tous les grands artistes le reconnaissent. On a vécu de grands phénomènes musicaux comme le Festival panafricain en 1969 ou celui de Woodstock. Toute cette culture qu'on a reçue et ingurgitée. Et cela ressort avec une âme algérienne. On a eu la chance de voir entrer régulièrement des disques (33 et 45 tours) en Algérie. Chacun avait sa petite radio. On était plus ou moins à la page. On écoutait du blues, jazz, rock hippie, punk-rock ou encore la new wave. On écoutait tout, en fait. Quelle idée d'appeler son groupe T34. Une appellation balistique... (Rires). Non pas du tout. C'est vraiment une coïncidence avec le char russe. On l'a gardé parce que cela correspondait à notre tempérament de tout écraser sur notre passage (rires). A l'époque, les cités universitaires avaient des pavillons qui portaient des numéros et des lettres. Donc, on était au pavillon T à la chambre 34. D'où le nom T 34, c'est tout. Un tempérament de feu... Oui, une puissance de feu. C'est de l'énergie. On y revient, voilà (rires) Le titre Boualem El Far n'a pas pris une ride, il est toujours d'actualité... Oui. Hélas, le texte a été écrit en dix minutes, mais la composition musicale de la chanson nous avait pris pratiquement une année. C'était l'histoire de quelqu'un qui travaillait avec nous, Boualem, et qui était électricien la journée, et puis le soir, il était dealer pour arrondir ses fins de mois. Cela nous avait inspirés. Il s'agit de disparités, d'injustice, la bêtise humaine. Ma Dir Walou, par exemple, c'était un pamphlet. Une gifle qu'on donnait aux petits enfants de riches qui se croyaient être les rois de la ville. cela on ne supportait pas. Et je vois que ça continue ! Hélas (rires). Il faudrait d'autres Ma Dir Walou pour dénoncer ce genre de comportement ridicule. La disparition du batteur de T 34, Omar Amroune, il y a deux ans, a été dure... « Allah Yerahmou ». Cela c'est ce qui frappe tous les groupes. Cette malédiction, comme ça. Ce sont des coups très durs. On a eu beaucoup de mal à s'en sortir. Omar, c'était le moteur, l'équilibre et le pilier du groupe. C'est quelqu'un qui équilibrait toutes les tensions que pouvait générer un groupe. Il y avait quatre voix et la sienne était très forte. Depuis, il y a eu des fils spirituels de T 34... Je suis très heureux de voir des groupes comme D'zaïr. J'ai assisté hier à leur concert. C'était vraiment bien. Ils sont en tout cas sur la bonne voie. Il y a quelques réglages à faire. Et je leur tire chapeau de travailler comme cela et de persister dans de telles conditions. Bravo les gars !