Zlabya signifie « j'ai un problème » ou « srat zella-bya », selon le regretté maître, Dahmane Ben Achour, qui a raconté l'avènement de cette invention culinaire due à un accident. L'histoire de ce gâteau, gorgé de sucre et dédié au mois de Ramadhan, commence, en effet, par un problème vécu à Grenade par un modeste marchand de beignets du vieux quartier populaire d'El Baycine. Les faits remontent à une date improbable d'avant la Reconquista de 1492. Cette vieille Casbah historique survit encore avec ses petits restaurants, ses ruelles et les nombreuses « tetrias » (salons de thé) qui perpepétuent, jusquà nos jours, le pittoresque d'une longue tradition maure. Par un matin comme les autres, les habitants d'El Baycine sont surpris par la fermeture du marchand de beignets. Il a disparu depuis la veille dans de mystérieuses circonstances et il n'est pas dans ses habitudes d'abandonner ses clients. La fermeture dure trois jours de suite. C'est l'inquiétude générale pour ce sympathique voisin dont l'absence se fait cruellement sentir pourr les enfants privés de leurs beignets du matin avant la medersa. En fait, notre pâtissier est en état d'arrestation, avec une bande de copains, pour tapage nocturne. Après une soirée arrosée, les fêtards grenadins ont continué leur nouba dans les rues de la ville à une heure avancée de la nuit. La capitale andalouse était, à l'époque, une ville strictement policée, surveillée, éclairée avec des habitants méticuleux pour leur sécurité et leur bien-être. La paix était bien assurée par la milice du prince de l'Ahlambra. A sa libération, au troisième jour, notre malheureux pâtissier découvre l'ampleur du problème. La pâte préparée pour les beignets est dans un piteux état à cause de l'excès de levain. Mais avant de se résoudre à la jeter, ce qui est une grave injure à l'encontre de la nourriture, il tente une petite expérience en coulant une louche de cette préparation dans l'huile frémissante. Après cuisson, il en goûte un morceau qu'il juge franchement immangeable. Il trempe alors la préparation dans du miel chauffé, et voici que naît un nouveau gâteau sans nom. Ce sera cette zlabya qui sera appréciée jusqu'à être adoptée, principalement en Algérie comme dans tout le Maghreb, au Moyen-Orient et… le sous-continent indien où elle se nomme aussi « zlabya ». Sachant que l'odeur et la saveur du sucré ont une grande force attractive au mois de Ramadhan, le succès de la zlabya est pleinement assuré, grâce à son effet de remonter la glycémie qui nous accable en fin de journée. Longue vie à cette délicieuse survivance de l'âge d'or andalou.